« Djéol, échos », un travail de Chloé Devis

Avant la soirée « Intimité(s) Francophone(s) » du 22 octobre à la Cantine, où vous découvrirez l’ensemble de l’exposition virtuelle, nous vous proposons un avant goût en avant première: le travail de Chloé Devis , lauréate du prix spécial du jury. Elle nous a présenté un très beau travail en Noir et Blanc tout en finesse et discrétion sur la diaspora mauritanienne de Djéol à Paris.  Ecoutons ses explications…

© Chloé Devis
© Chloé Devis

« Entre Mali, Sénégal et Mauritanie, la Vallée du fleuve Sénégal est une des principales régions d’émigration en Afrique de l’Ouest.

Djéol, commune rurale constituée de neuf villages située dans la province mauritanienne du Gorgol, ne fait pas exception. Les Halpulaar (Peuls toucouleur), majoritaires, y cohabitent avec Soninkés, Maures et Haratines (descendants d’esclaves affranchis). Dans un écrin de collines rouges, ses ruelles sablonneuses s’étageant jusqu’au fleuve résonnent encore des récits entremêlés de mythes d’une histoire jalonnée de hauts faits guerriers. Mais avec les crises climatiques et politiques des récentes décennies, ce passé glorieux est bel et bien balayé au profit d’un avenir incertain, qui se joue entre ses habitants restés au pays, et la diaspora née des vagues successives d’exode. Djéol compte ainsi aujourd’hui une communauté de plusieurs centaines de membres en France, essentiellement implantés en région parisienne. Célibataires ou en famille, ils ont reconstruit une vie paisible ici, tout en gardant des liens étroits avec leur terre d’origine, affirmés par des allers-retours aussi fréquents que possible.


La survie de leurs familles là-bas, comme le développement du village tout entier, est suspendu à leur solidarité. Mais au-delà des échanges tangibles, le rapport affectif aux racines s’inscrit en filigrane du quotidien. Au cœur des cités, derrière le béton des façades, les intérieurs et les manières de vivre en portent l’empreinte intime… Alors même, pourtant, que les déracinés entretiennent la mémoire des origines, parfois teintée d’un espoir de retour, leur « réussite » affichée, aiguillonne, à Djéol, le désir d’Occident… Dans le village uniquement desservi par une piste, privé d’eau courante et de réseau électrique, les maisons nouvellement bâties « à l’occidentale » par les émigrés et les notables, symbolisent, à l’image des tenues « hip hop » des jeunes, une aspiration à la modernité qui remet peu à peu en cause les modes de vie et de pensée traditionnels.

Mes photos visent à retranscrire, ici et là-bas, ces allers-retours géographiques autant que symboliques qui redessinent une identité collective, en suspens entre deux mondes, entre deux horizons. »

Texte de Chloé Devis

Origine du projet

Entamé fin 2006, ce projet a pris forme et sens au fil de mes visites aux familles djéoloises installées en région parisienne, et de mes deux séjours à Djéol même. Mon choix d’une approche documentaire plus impressionniste que journalistique correspond à l’envie de m’éloigner des clichés. Je veux tenter de (pro)poser un regard sur l’exil et la migration à la fois intimiste et dépourvu de sensationnel ou d’exotisme, à travers le cas d’un village exemplaire de centaines d’autres…

Soutenu par le GRDR (Groupe de recherches et de réalisations pour le développement rural) et l’ARDF (Association des Ressortissants Djéolois de France), mon travail doit se poursuivre dans les prochains mois par un nouveau séjour en Mauritanie et de nouvelles prises de vues dans la communauté émigrée. Je suis en train de monter un dossier de recherche de financements pour le mener à bien et produire une exposition destinée à être montrée à la fois en France et en Mauritanie.

Les photos présentées dans le cadre d’Intimité(s) Francophone(s) relèvent du volet « français » du projet.

Parcours de Chloé Devis SITE WEB DE CHLOE DEVIS

Après des études de journalisme, elle travaille pendant quatre ans au quotidien Le Figaro . En 2004-2005, elle suit la formation à la photographie du centre Iris (Paris) et effectue un stage à Arles en 2006 auprès de la photographe Laure Vasconi et de l’éditeur Patrick Le Bescont (Filigranes).

Désormais photographe et journaliste free lance, elle se partage entre projets personnels et commandes.

Membre de l’agence Opale (portraits d’écrivains).

Sélectionnée en 2006 dans la catégorie « Premier Regard » de la Bourse du talent « reportage » pour « Le squat de Cachan côté femmes ».

Sélectionnée en 2008 parmi les 15 finalistes du prix de la de la photographie sociale et documentaire de l’AIDDA pour « Cachan, un toit pour Mille ».

Textes et photographies © Chloé Devis

Voici les 2 photographies retenues par le Jury:

© Chloé Devis
© Chloé Devis
© Chloé Devis
© Chloé Devis