« Vanité apparente » d’Yves Sambu

Dans sa première exposition individuelle, Yves Sambu nous propose une étrange contradiction entre l’austérité des cimetières et l’excentricité apparente des sapeurs, les membres de la Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes. La SAPE, c’est cet exercice de goût, parfois élevé au rang de religion à Kinshasa et Brazzaville, qui consiste à s’habiller de la meilleure (et de la plus riche) des manières en guise de preuve de réussite, surtout pour les Congolais partis vers le Mikili, l’eldorado européen.

A Kinshasa, chaque 10 février, des sapeurs se rassemblent au cimetière de La Gombe en la mémoire de Stervos Niarcos, figure de proue du mouvement, décédé en 1995. Sa tombe s’est transformée en lieu de pèlerinage pour tout sapeur qui se respecte, l’occasion d’assister à un défilé de mode quelque peu iconoclaste.

Le photographe qualifie ainsi les cimetières : « Pour moi, ce lieux silencieux de vanité est un voyage de valeur, comme celui d’un sapeur vers un eldorado, Mikili. Remarquablement ces tombeaux dégagent pour nous, les sapeurs, l’admiration d’une timide beauté singulière qui se sent dissimulée par la peur. »
Les tombes de La Gombe deviennent donc, l’espace de quelques heures, de quelques clichés, le terrain d’expression des sapeurs. Lunettes de soleil vissées sur le nez, canne à la main, on n’hésite pas à se tenir debout sur les dernières demeures en ce bas monde. Etre beau, élégant, quitte à choquer. Le rendu d’Yves Sambu est explicite.

© Yves Sambu
© Yves Sambu

Excitation particulière à l’apparition d’un objectif ou exubérance naturelle, le mystère reste entier. Entre portraits et panoramas, Yves Sambu nous promène dans un cimetière sens dessus dessous… sans dessous aussi, comme ce sapeur, debout sur une sépulture présentant son caleçon Calvin Klein aux badauds.
A l’occasion de 3 larges photomontages grossiers (mais là n’était pas le but, convenons-en), l’on retrouve nos sapeurs positionnés dans un cimetière français. Cette même France, cette Europe qui représentent l’Eldorado pour ces virtuoses de l’habit original, mais couteux. C’est ainsi qu’une paire de jambes galbées et chaussées de talons roses trouble la quiétude d’une tombe française.

On est bien loin du simple dépôt de fleurs et l’on regrettera le peu de photos exposées tant cet univers loufoque suscite les réactions en tous genres.

A voir jusqu’au 24 février au KVS à Bruxelles.