Au travers de sa pratique de la peinture, de la photographie ou de la vidéo, Hicham Benohoud a développé une œuvre qui ne cesse, derrière ses brillantes mises en scène de la réalité, d’interroger l’identité. La sienne bien sûr, dans les nombreux autoportraits aux apparences mystérieuses, mais pas seulement.
Dans un processus de création plus large que la seule expérience du récit autobiographique, son travail questionne surtout celle de ceux qui l’entourent, tout autant qu’il met en évidence les composantes culturelles ou sociétales de son environnement, données à voir dans des situations souvent inhabituelles.
De la série « salle de classe » réalisée à Marrakech où il était enseignant d’arts plastiques dans un collège, à celle « Ane situ », où il fait poser des ânes dans des appartements luxueux du Maroc, Hicham Benohoud joue à dérégler les apparences. Les enfants de la « salle de classe » posent au centre d’architectures de tables, ou debout sur des chaises. Par l’image, ils parlent d’eux-mêmes comme du monde dans lequel ils vivent, tout comme d’autres enfants, ceux de la série « Azémour » où les visages s’entremêlent de fils.
Les ânes de « Ane situ » trônent au milieu de salons luxueux, tout en demeurant prisonniers d’improbables constructions de briques, de moellons ou de grilles. Ils sont comme les acrobates de la Place Jema El Fna de Marrakech que Hicham Benohoud photographie, dans de savantes compositions, où la couleur et la torsion des corps les font s’échapper dans l’espace d’une intimité partagée avec l’artiste. D’intérieurs, il en est toujours question dans la dernière série, « The Hole » où les personnages s’enfouissent dans leur propre univers.
Cette première exposition rétrospective des photographies de Hicham Bénohoud, organisée au Maroc, permettra au public marocain de découvrir l’importance du travail de cet artiste exposé qui a déjà été montrée par les plus importantes institutions artistiques internationales (Centre Georges Pompidou, Palais de Tokyo, Institut du Monde Arabe, Paris, Fondation Aperture New York). Ces œuvres figurent aussi dans les plus prestigieuses collections publiques et privées, Palais Royal Rabat, MuCEM de Marseille, Tate Modern de Londres, Centre Reina Sofia de Madrid...
Bernard Millet / directeur de l’Institut français de Rabat.