Antropia – Une interview d’Amanda Camenish & Souleymane Ag Anara

Il y a quelques mois, un nouveau collectif nous écrivait pour faire connaître ses actions : Antropia. Composé de chercheurs, photographes Kel Tamasheq et jeunes commissaires, la plateforme de recherche Antropia a pour but de faire connaitre et de préserver le patrimoine des Kel Tamasheqs, aussi connus sous le nom de Touaregs.
C’est à travers une interview de deux des membres fondateurs, Amanda Camenish et Souleymane Ag Anara que nous revenons sur ce projet.

Pourriez-vous nous présenter la génèse d’Antropia et quel est son but ?
Amanda Camenish : Antropia est un collectif d’art et de recherche créé depuis 2020. Il se concentre sur les sociétés et communautés sous-représentées, indigènes, apatrides et nomades. Nombre de ces communautés sont victimes de discriminations et de pressions sur leurs modes de vie, ce qui menace leur mode de vie. L’objectif d’Antropia est de construire des réseaux et de soutenir les communautés et les structures locales pour qu’elles puissent se représenter elles-mêmes, tout en ouvrant des canaux de collaboration et d’échange.  Pour cela, Antropia collabore avec des artistes, artisans, journalistes, chercheurs, poètes et activistes locaux. Une collection de ces matériaux, recherches, essais, œuvres d’art, ateliers et projets, sera ensuite publiée dans des éditions individuelles reliées ensemble dans un livre.

Souleymane Ag Anara : Le but d’Antropia est de permettre à des jeunes nomades, autochtones du grand Sahara Touaregs, maures, du Mali, du Niger, de la Mauritanie, de l’Algérie, du Maroc, de la Libye et ailleurs….de s’exprimer et faire connaître leurs cultures. J’ essaye depuis plusieurs moi de les regrouper en  un collectif de jeunes photographes, qui s’intéressent à l’art et  qui aiment raconter leurs histoires et leurs quotidiens. Ainsi mon objectif est de créer un réseau qui leur permettra d’explorer leurs pratiques et leurs techniques, de montrer et d’expliquer la vie dans le désert, d’avoir un espace pour s’exprimer librement. Il est important que l’histoire se raconte par des autochtones et non par des étrangers, car ce n’est pas la même vision. Par exemple, un nomade qui raconte son histoire, parle de son environnement, des animaux avec qui il cohabite, comment il vie, ses souffrances et ses joies mais aussi ses manques vitaux tels que l’éducation ou l’eau. La façon dont il raconte l’histoire est totalement différente.

Quels sont les membres et en quoi leurs implications consistent-elles ? Pour nos lecteurs, qui ne connaissent pas bien, Aujourd’hui, comment et où vit la communauté Kel Tamasheq et Amazigh ?
Amanda Camenish : Pour cette première édition, Antropia se concentre sur la culture des Kel Tamasheq. L’équipe est actuellement composée de 9 personnes, trois personnes d’Europe / UK et six personnes au Sahara. Le projet principal sur lequel nous travaillons en ce moment est de construire le collectif de photographes Kel Tamasheq et Amazigh. Le photographe et écrivain Kel Tamasheq Souleymane Ag Anara et moi-même avons lancé le projet et rassemblé plusieurs photographes et activistes Kel Tamasheq et Amazighs du Mali, du Niger et du Maroc, pour travailler sur la question de la transhumance au Sahara ; un sujet à plusieurs niveaux qui est au cœur de l’existence des Kel Tamasheq. Les photographies ont le pouvoir de démystifier et de communiquer des réalités sur le terrain que beaucoup de gens en Occident ignorent, c’est la première étape pour reprendre le contrôle de ce paysage culturel. 

Antropia mêle à la fois recherche et photographies, comment tout ceci s’articule ? 
Amanda Camenish : Antropia réunit des chercheurs et artistes ainsi les projets sont protéiformes : Cela peut prendre la forme d’essais écrits ou de recherches sur le terrain, mais aussi d’autres formes comme la danse, la musique, la poésie ou, dans le cas du collectif, la photographie.

Vous avez développé aujourd’hui un grand corpus photographique. Dans quel but et que peut on y découvrir ?
Amanda Camenish : Souleymane et moi travaillons ensemble avec les photographes et activistes Mohamed Ed-Daoudy, Mohamoud Mouta, Mohamed Ag Mohamed Aguissa, Fatimata Walet Mohamed Issa et Walid le Berbère sur le thème de la « transhumance en traduction ». Les photographes travaillent sur des projets individuels qui sont des récits personnels de leur expérience de transhumance dans le désert . Le projet sera accompagné d’une recherche concernant les structures nomades contemporaines dans le Sahara, le changement climatique et l’évolution des formes d’être à travers les personnes qui s’installent dans les villes. Nous avons pour objectif d’organiser une exposition avec ces travaux en 2022. 

Avec les photographes sur place, développez-vous des formations autour de l’image, pratique et la question de la réprésentation avec la communauté  Kel Tamasheq et Amazigh ?
Amanda Camenish : L’un de nos objectifs pour cette année est d’obtenir un financement suffisant pour lancer un programme de bourses et un programme de tutorat pour les photographes. Nous pensons que l’accès à l’éducation et aux ressources pour développer leur propre pratique est un aspect important de l’épanouissement des talents locaux et permet l’émergence de nouvelles opportunités et possibilités.
Souleymane Ag Anara : C’est en effet pour moi l’un des objectifs les plus importants : obtenir un financement pour lancer ce programme qui pourra permettre à ces photographes nomades d’avoir une formation de qualité et avoir l’opportunité d’exposer leurs travaux dans un musée. J’ai eu en effet la chance d’exposer de nombreuses fois à Paris, au Niger, au Maroc. Je compte faire des expositions collectives avec Antropia afin d’exposer nos photos et parler de nos expériences.
https://bibliotheques.paris.fr/souleymane-ag-anara-la-musique-est-tres-importante-dans-la-culture-touareg.aspx?_lg=fr-FR%22Souleymane%20Ag%20Anara
Le but est aussi de parler de l’éducation, parler de la vie quotidienne, comment nous vivons dans le désert, et quelle est la souffrance que le peuple nomade endure, et de rassembler toute une communauté nomade pour raconter sa propre histoire. Toutes mes images sont basées sur cela, sur la vie dans le désert et l’amour que nous avons pour ce désert malgré toutes les difficultés.

Quels sont vos projets avec Antropia dans le futur ? 
Amanda Camenish et Souleumane Ag Anara : Antropia travaille avec différentes communautés sur différentes éditions ou projets. L’idée est de publier des livres individuels représentant ces différentes communautés et cultures pour imagniner de les rassembler dans un coffret général sur le sahara et sa communauté . Le premier porte sur le Kel Tamasheq. Le Sahara est plein de talents incroyables et d’histoires non racontées, que nous aimerions rassembler non seulement pour la publication finale du livre, mais faire reconnaître à la fois localement et internationalement cette culture et ses activistes.


http://antropia.co.uk/
https://www.instagram.com/a.n.t.r.o.p.i.a/

© Mohamed Ag Mohamed Aguissa
Depuis qu’un journaliste a été assassiné à Tombouctou en 2015, tout accès à la région a été refusé par les bureaux étrangers, faisant de Tombouctou une fois de plus le non lieu mystique qu’il était à l’époque pré- coloniale. La réalité sur le terrain est inquiétante car les militaires étrangers contrôlent la zone, le plus souvent non pas pour protéger les civils mais pour extraire des ressources locales comme l’uranium et l’or. Mohamed Aguissa est né et a grandi à Tombouctou, il rapporte ce qui se passe sur le terrain et prend des photos de ses amis et de sa famille. Mohamed Ag Mohamed Aguissa « Tempête de sable un beau matin dans la région de Tombouctou, dans ma viseur vous avez la maison des artisans au petit marche de YobouTao »
© Fatimata Walet Mohamed Issa
Journal intime
Elle se montre, ainsi que ses amis, dans la vie quotidienne du camp de réfugiés à la frontière Mali-Mauritanie où elle vit avec sa famille.
Fatimata Walet Mohamed Issa « Photo prise le matin de bonheur Sous une tante au camps des réfugiés de m’berra en Mauritanie »
© Mohamoud Mouta
Photographies de différentes habitations dans le désert au fur et à mesure que les matériaux et les moyens de subsistance changent.
© Mohamoud Mouta
Photographies de motards et d’âniers. La mobilité dans le désert est essentielle
Mohamoud Mouta « Photo prise à Tabalak dans la région de Tahoua- Niger »
© Mohamoud Mouta
Photographies de motards et d’âniers. La mobilité dans le désert est essentielle
Mohamoud Mouta « Photo prise à Tabalak dans la région de Tahoua- Niger »
© Mohamed Ag Mohamed Aguissa
Journal privé montrant des photographies mises en scène par lui-même ainsi que des amis et de la famille entre tradition et vie moderne
Mohamed Ag Mohamed Aguissa « Photos prise par mon oncle, une fois lors de mon admission dans une classe supérieure »
© Mohamed Ag Mohamed Aguissa
Journal privé montrant des photographies mises en scène par lui-même ainsi que des amis et de la famille entre tradition et vie moderne
Mohamed Ag Mohamed Aguissa « Mon papa Mohamed Aguissa Ag Moha lors de la fête de Maouloud 2010 à Tombouctou »
© Mohamed Ag Mohamed Aguissa
Journal privé montrant des photographies mises en scène par lui-même ainsi que des amis et de la famille entre tradition et vie moderne
Mohamed Ag Mohamed Aguissa « C’était au mariage civile de Nana à côté d’elle vous avez Gnagna Tandina amie proche de la marié »
© Mohamoud Mouta
Photographies de différentes habitations dans le désert au fur et à mesure que les matériaux et les moyens de subsistance changent.
Mohamoud Mouta « Au campement. Chez ma grande mère à l’ouest d’iferouane- Niger »
© Souleymane Ag Anara
Les mèmes, les photographies mises en scène par l’artiste et les projets qu’il a lui-même lancés mettent en contraste la vie traditionnelle et moderne dans le désert.
© Mohamoud Mouta
Photographies de camps de réfugiés abandonnés dans le désert et d’objets transformés qui deviennent des reliques de la temporalité.
Mohamoud Mouta « Photo prise juste à la sortie d’Agadez- Niger »
© Mohamoud Mouta
Photographies de différentes habitations dans le désert au fur et à mesure que les matériaux et les moyens de subsistance changent.
Mohamoud Mouta « Campement chez la grand-mère à l’ouest d’Iferouane. Niger. »
Fatimata Walet Mohamed Issa
Elle se montre, ainsi que ses amis, dans la vie quotidienne du camp de réfugiés à la frontière Mali-Mauritanie où elle vit avec sa famille.
Fatimata Walet Mohamed Issa « Cérémonie de mariage à Bamako »
© Fatimata Walet Mohamed Issa
Elle se montre, ainsi que ses amis, dans la vie quotidienne du camp de réfugiés à la frontière Mali-Mauritanie où elle vit avec sa famille.
Fatimata Walet Mohamed Issa « Photo prise à Bamako Avec des amies, lord d’une sortie »
Danseurs Kel Tamasheq lors d’un festival
par Souleym­ane Ag Anara