Duet, double portrait

En janvier 2018, nous avions célébré l’ouverture du Mupho, nouveau Musée de la photo, à Saint-Louis au Sénégal. Aujourd’hui, dans le cadre des Off de la biennale Dakart, c’est à Dakar, à « La Villa rouge », que nous continuons le parcours avec une interview de Malick Welli. Retour en images sur ces dernières séries dont la fameuse  » Duet », réalisée en 2017. Une galerie de double portrait de toutes générations réalisées devant de vieilles bâtisses, des architectures porteuses d’un passé colonial, au sol, le damier noir et blanc des studios-photo africains traditionnels.

Peux tu nous dire quelques mots sur ton nom et ton pays?

Je m’appelle Malick Welli. J’ai choisi d’emprunter ce nom à mon grand-père, pour lui rendre hommage. Je suis né au Sénégal, à Kaffrine, mais j’ai grandi à Dakar où je vis et travaille aujourd’hui. Je suis photographe depuis le collège, où j’ai commencé en réalisant des portraits de famille à la demande. Dans les cinq dernières années, ma pratique s’est professionnalisée et affinée.

Ta pratique est tournée essentiellement vers le portrait. On découvre en studio ou dans la rue, une galerie de portraits d’hommes, femmes et enfants. Peux-tu nous raconter comment tu t’es tourné vers cette démarche et ce que tu explores à travers elle ?

J’ai toujours fait de la photographie. Quand j’étais plus jeune, je me promenais dans les rues de Dakar avec un appareil moyen format dans le seul but de capter des images. Je faisais aussi des portraits de famille mais pour gagner mon argent de poche. En réalité, ma démarche a été toujours basée sur le portrait. Je suis un portraitiste. Je perfectionne mon art autour du portrait, dans une approche artistique qui place l’être humain au cœur de mon travail. Je porte mon propre regard sur la société mais j’aborde des thèmes qui poussent à la réflexion, au questionnement, sur la place de l’homme dans la société contemporaine.

Couleur ou noir et blanc, tu oscilles entre les deux pour tes différentes séries, comment se fait ce choix ?

Cela dépend toujours du contexte, de l’esthétique recherché et du sujet photographié.

Peux-tu nous parler de ton corpus « Cogito » réalisé avec le designer textile Amadou Mbodj réalisé en 2017 ?

Cogito est un projet personnel que j’ai commencé en 2015. C’est une série de portraits qui présente des femmes au teint d’ébène portant sur leur dos des enfants blancs, noirs, jaunes, etc. Cette série est née d’un questionnement initié par la phrase « WE ARE ALL AFRICANS ». Ces femmes ont des situations différentes, elles sont étudiantes, responsables administratives, bloggeuses… Des intellectuelles donc, loin de l’image de la « servante analphabète » à qui la clémence du destin impose de s’occuper des enfants de ses « patrons ».
Je mets ainsi en contraste les clichés de la société qui s’effacent finalement sous les éclats des couleurs de la vie, celles de la vie naissante et celles de la vie aimante.

Dans ta série « Duet » en cours de réalisation, c’est un hommage aux grands photographes de studio Sénégalais comme Mama Casset ou Meissa Gaye, comment as tu découvert ces photographes et comment t’en es tu inspiré ? T’inspires tu aussi de tes contemporains, photographe sénégalais à l’instar d’Omar Victor Diop par exemple dont la pratique du portrait / autoportrait est le cœur d’ouvrage ? Que veux dire Duet ?

J’ai découvert le travail de Meissa Gaye grâce à une femme qui m’a montré un portrait de sa grand-mère réalisé par Meissa Gaye. Il prenait ses photos en allant de maison en maison. En cela, il a inauguré la pratique de la photographie ambulatoire. J’ai, moi aussi, essayé de suivre ses pas en déplaçant mon studio de maison en maison. Je fais du « porte à porte » pour proposer des séances de portrait. J’apprécie aussi beaucoup le travail d’Omar Victor Diop, qui est remarquable mais, nos styles sont un peu différents.

Si je devais citer deux photographes qui m’ont inspiré tout particulièrement pour cette série, ils seraient : Meissa Gaye et Mama Casset. « Duet » est un mot anglais qui signifie « duo » en français. Mon approche est centrée sur le double-portrait qui est un sujet traditionnel en Afrique de l’Ouest. Le photographe tente de créer ainsi une dualité, une ressemblance entre les deux personnes par les gestes, les vêtements, les poses, etc. « Duet » est en fait une série de portraits de parents, d’amis ou de personnes unies par d’autres liens. Sur les images, on découvre des portraits de femmes et d’hommes au regard fier posant devant des murs rappelant Saint-Louis, et son patrimoine architectural, des vieilles bâtisses porteuses d’histoire. À leurs pieds un damier noir et blanc rappelant les traditionnels studios-photo.

Peux-tu nous raconter comment se déroulent ces prises de vues ? Où rencontres-tu tes modèles ? Comment les fais tu poser ? Où ? Ton décor etc…

Cela fait presque un an que j’ai commencé cette série sur Saint-Louis. J’étais invité en résidence par M. Amadou Diaw, le fondateur du MUPHO. Il m’a fallu quelque temps pour commencer à vraiment appréhender les lieux et trouver mes modèles.

Quand je suis arrivé à Saint-Louis, ce qui m’a immédiatement frappé a été son architecture et sa population. Je suis très vite tombé amoureux de cette ville ; et ces hommes et ces femmes m’ont vraiment adopté, ce qui a facilité mon travail. Ma photographie se veut avant tout sociale. C’est un mélange de témoignage et d’hommage envers les hommes et les femmes qui y sont représentés. Je choisis moi-même les poses et les lieux. Mes prises de vue se déroulent souvent dans les cours des maisons familiales, dans des pièces abandonnées, des bouts de mur, qui serviront de décor.
Je fais d’abord un travail de repérage. Il m’arrive souvent de parcourir toute l’île pour trouver un endroit qui m’intéresse et je le transforme en studio. D’un point de vue photographique, Saint-Louis est une ville très intéressante, c’est un lieu très riche en couleurs et les bâtiments sont très divers.
Pour le choix de mes modèles, je me promène dans la ville et si les personnes que je rencontre m’acceptent, je leur explique mon projet puis je leur demande de poser pour moi. Une fois mes modèles trouvés, je prépare la séance. Soit, je n’impose rien aux modèles et je leur demande de venir poser avec les tenues qu’ils ont. Soit, je vais au marché chercher des tissus pour confectionner les tenues. Je choisis les couleurs en fonction du décor de la pièce que je vais transformer en studio.

Cette série a été présentée à Saint Louis pour l’exposition inaugurale du MUPHO, quel a été le ressenti des Saint-louisiens face à tes images ?

Les Saint-Louisiens ont vraiment apprécié le projet. Ils étaient très contents de voir leurs images sur les murs du musée.

Quels sont tes projets dans le futur ? (exposition, résidence, publication)

Je continue toujours ma série sur Saint-Louis. J’ai également initié un projet de résidence à Saint-Louis avec le photographe Burkinabé Siaka Soppo Traoré. La résidence est prévue pour début 2019.

© Malick Welli
© Malick Welli

© Malick Welli
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© Malick Welli
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© Malick Welli
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© Malick Welli
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© Malick Welli
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© Malick Welli
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© Malick Welli
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