Focus sur la série « L’envers du décor » de Baptiste de Ville d’Avray

Aujourd’hui, focus sur le photographe Baptiste de Ville d’Avray, fondateur et coordinateur du projet Afrique in visu. Beaucoup d’entre vous le connaissent mais n’ont jamais vu ses photographies. Nous avons profité de son exposition dans le cadre des Rencontres photographiques du 10e pour lui demander de se prêter au jeu de l’interview.

Focus sur sa série L’envers du décor

L'envers du décor © baptiste de ville d'avray
L’envers du décor © baptiste de ville d’avray
La série « L’envers du décor » a été réalisée en 2006-2007 en même temps que la mise en place du projet Afrique in visu, dont tu es le co-fondateur et le coordinateur. Comment cela s’est-il déroulé et quelle était ton idée de départ ?

Effectivement, j’ai réalisé cette série en parallèle du projet. J’avais travaillé lors de la mise en place du projet sur des thématiques prédéfinies comme « Portraits de Bamako » .Mais à la base, « L’envers du décor » n’était pas une thématique réfléchie mais elle est ressortie au fur et à mesure de mon voyage.

L’errance a été importante, pourtant cette série n’est pas de la photographie de voyage. C’est une errance photographique où je recherche quelque chose de très particulier, des ambiances…

« L’envers du décor » s’étale sur les 8 mois passés en Afrique. Je l’ai formalisé au retour du voyage au mois de mai.

J’avais une contrainte sur place pour mes travaux, je travaille essentiellement au Rolleiflex 6×6 en couleur et c’est un format qui ne se développe pas en Afrique. J’ai donc du attendre mon retour en France pour visualiser ce que j’avais fait. C’est alors qu’est ressortie cette thématique et que s’est créée la série « l’envers du décor ».


Dans ces photos, tu sembles plus t’attacher à la notion de décor urbain. L’humain, enfin les personnes ne sont quasiment pas présentes, elles n’apparaissent dans les images qu’à travers des représentations, des affiches ou l’apparition de petits personnages. Pourquoi ?

Je suis très attiré par la notion de paysage. J’essaie toujours de dissocier mes travaux, soit je m’attache à l’Homme soit aux paysages.

Je prends rarement des photos volées, quand je photographie les hommes, je souhaite que cela se traduise par un échange, une rencontre. C’est donc un travail sur le long terme autour de discussions, de partage.

Il m’est donc apparu logique que la présence de l’homme ne soit que furtive dans cette série de paysage urbain. L’homme apparaît donc indirectement dans l’image.

Les affiches apparaissent régulièrement dans cette série car je travaillais en parallèle sur deux sujets : les élections présidentielles en Afrique où les affiches ont une place très importante (pour l’anecdote, lors de notre remontée du Mali au Maroc, nous sommes tombés sur les élections au Sénégal, et en Mauritanie.) et sur une série commandée par Afrique in visu sur « la place de l’image en Afrique » . Ces deux séries se sont entrecoupées naturellement avec la notion de décor urbain.

L'envers du décor © baptiste de ville d'avray
L’envers du décor © baptiste de ville d’avray

Dans ton texte de présentation, des mots ou expressions ressortent comme « temporalité », « éphémère » « traces du passé », ils sont rattachés à la notion de décor. En quoi cette notion de paysage « momentané » est-elle importante ?

Un paysage, un décor change avec le temps et chaque image est un « instantané » de ce moment là, j’assimilerai cette thématique à un travail documentaire. La photographie est témoin du temps, d’une époque, d’un moment furtif qui retranscrit en images un lieu…

La notion de trace m’intéresse car cela renvoie à la matière photographique notamment les détails, les particularités. J’utilise à cet effet le moyen format pour son grain, sa précision, son piqué qui permet de retranscrire ces décors dans les moindres détails, inscrivant le temps comme clefs de cette série.

La composition dans mes photos est importante pour révéler ces détails. Les objets qui jonchent le sol ou sont sur les murs sont des touches déterminantes de ma composition. D’autant plus qu’ils sont présents un bref instant, une période et non pour l’éternité. J’essaie de capter ces objets ou détails comme si ce décor avait été réfléchi. Cela rejoint l’idée de témoigner d’un « instant ».

Dans ton texte comme dans le titre, tu fais référence davantage au cinéma qu’à la photographie. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

J’ai toujours été sensible au cinéma, et notamment à l’esthétisme et aux détails des décors.

Le cinéma m’a beaucoup influencé dans cette série. Les références au western moderne ne sont pas anodines.

A l’inverse du cinéma, je peux figer l’instant. Je le grave à jamais dans mes images fixes. Finalement, c’est peut être complémentaire de l’image en mouvement.

Je me suis inspiré d’un film que j’ai pu voir à Bamako, «En attendant le bonheur» du réalisateur Abderrahman Sissako , dont le décor et l’attente omniprésente renforcent l’esthétisme d’une errance fascinante. Ce film retranscrit l’idée de transiter quelque part avant d’aller vers un lieu que l’on n’atteindra peut-être jamais, l’exil avant le voyage, est le point de départ de ma série.

Je m’inspire également beaucoup du cinéma d’Amérique du Sud et notamment des films du réalisateur Carlos Sorin ( « Bonbon el perro », « Historias minimas » ou encore « El camino de San Diego » ) qui racontent des voyages initiatiques. Ce réalisateur arrive dès le premier instant à nous murer dans une silencieuse observation par ses couleurs, ses plans, et son ambiance.

D’où vient le titre « l’envers du décor » ?

Ce titre vient de la notion de décor urbain. Par référence au cinéma, ce titre nous renvoie à la construction du décor. Ici, il peut paraitre antinomique puisque cette série est constituée de décors irréfléchis mais tout aussi éphémères que ceux du théâtre ou du cinéma. Cela inscrit ainsi cette série dans une apparente réalité.

Cette série présentée dans quelques jours dans le cadre des Rencontres du 10e figurera-t-elle dans son entier ?

C’est une série évolutive. Je présente dans cette exposition une sélection de 12 images captées durant ces 8 mois mais j’en ai une série bien plus conséquente. Elle continuera à travers mes voyages.

En savoir plus :

– Pour voir la série, rendez-vous aux Rencontres Photographiques du 10e, on vous attend nombreux ! Mairie du 10e – 72 rue du Faubourg Saint‐Martin-75010.

Pour en savoir plus http://rencontresphoto10.free.fr

Vernissage 16 octobre – 19H

Exposition collective du 16 octobre au 30 novembre 2007

– Pour lire une partie du texte de présentation de la série « L’envers du décor » de Baptiste de Ville d’Avray, cliquez ici, puis allez p.20 du catalogue des Rencontres.

– Site www.baptiste-dva.fr
– Blog www.baptiste-dva.fr/blog

L'envers du décor © baptiste de ville d'avray
L’envers du décor © baptiste de ville d’avray