Ils sont venus de l’eau pendant que le monde regardait

C’est à travers sa série « Ils sont venus de l’eau, pendant que le monde regardait » / « They camed from the water while the world was watching » que nous avons découvert la photographe Giya Makondo Wills. Une série couleur porteuse de symbole mélangeant paysages, portraits uniques et photos de groupes puissantes où elle interroge toujours sa double identité anglaise et sud africaine. Elle revient ainsi sur les origines du christianisme en Afrique du sud, directement liées à la colonisation et au rôle que les missionnaires y ont joué. A travers cette interview, petit retour sur le parcours de la photographe et un focus sur cette série forte de sens.

Bonjour Giya, pourriez-vous nous raconter comment vous avez débuté la photographie et vos allers-retours entre l’Angleterre et l’Afrique du sud ?
D’être en permanence entre l’Afrique du sud et l’Angleterre me permet de faire un travail à la fois personnel et politique, ce qui était très important pour moi. Cela me permet aussi de rendre visite à ma famille et d’être entre deux maisons.

J’ai commencé à étudier la photographie plus officiellement vers 2012, mais j’ai commencé à prendre des photos vers l’âge de 7 ans avec mon père. J’ai emprunté l’appareil photo de mon frère un 35 mm . Mon père me conduisait autour de Brighton et je photographiais les gens en train de décorer leurs maisons pour Noël.

Après avoir commencé à étudier la photographie dans ma ville natale, j’ai ensuite obtenu un BA en photographie documentaire de l’Université de South Wales, puis un master en photographie documentaire, que j’ai terminé en octobre 2018. Pour apprendre à devenir un créateur d’images, à interroger le monde et à se développer en tant que personne, étudier à l’Université de South Wales, dans une institution aussi réputée est incroyable. J’étais sous la direction de Lisa Barnard, David Barnes et Paul Rease, trois auteurs fantastiques qui sont également d’excellents enseignants.

Ma carrière en est encore à ses débuts, je suis très excitée pour ce qui arrive dans le futur ! J’ai commencé à travailler sur des missions, une commande d’un an du Musée national du pays de Galles à Cardiff et quelques nouveaux travaux au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Jusqu’à présent, mon travail m’a permis de voyager et de rencontrer des gens incroyables. J’espère pouvoir continuer à le faire.




Vous explorez particulièrement le portrait, pourquoi ?

Le portrait est pour moi un très beau moment de compréhension mutuelle. C’est toujours un processus collaboratif qui me permet de communiquer avec les gens. C’est peut-être aussi parce que je suis curieuse et que la caméra me permet de m’asseoir et de parler aux gens.
 

Comment définissez-vous votre pratique ?

Je dirais que ma pratique est plutôt documentaire car je travaille à partir d’une histoire orale, d’une histoire écrite, de statistiques et d’archives. D’autant plus qu’ayant également étudié la photographie documentaire au cours des dernières années, c’est de là que je tire mon inspiration. Cependant, ma pratique peut changer à l’avenir, donc je suis ouverte à d’autres méthodes de travail. Je dirais avec certitude que ma pratique pour le moment se situe entre personnelle et politique.




L’un de vos premiers projets « Dean » * Doyenne * concerne votre histoire familiale, que voulez-vous montrer au public ?

Pour moi, le travail a toujours été et reste un projet personnel. Cela m’a donné l’occasion de passer beaucoup de temps avec mes grands-mères et d’apprendre à les connaître en tant qu’individu plutôt qu’en simple grand-mère. Je pense que c’est relatif à quiconque qui porte un double héritage. En regardant les deux côtés de mon parcours, je peux réfléchir aux femmes qui ont contribué à faire de moi ce que je suis aujourd’hui. Je suppose que pour le public, cela montre simplement que deux personnes d’origines très différentes, qui vivent de part et d’autre du globe, ont mené une vie très similaire.
 
Pourriez-vous nous parler de votre dernière série, « Ils sont venus de l’eau pendant que le monde regardait »/ « They Came From The Water While The World Watched ». comment est née l’idée ?

Ma grand-mère, ma famille et l’histoire orale générale ont été l’inspiration du projet. Ma famille est très religieuse mais a toujours continué à pratiquer la religion ancestrale. J’ai donc commencé à examiner les origines du christianisme en Afrique du Sud et c’est donc parti de là. C’était aussi une excellente occasion d’aller rendre visite à de la famille, un univers où je me sents bien. 
 


Que signifie ce titre très symbolique ?

C’est une référence au mode de transport utilisé par de nombreux colons, le bateau et le message « tant que le monde regarde » questionne l’indifférence du monde occidental quant à la perpétration de cet acte. Je voulais faire allusion à la gravité de la colonisation et à la manière dont elle était largement reconnue comme la « norme », en particulier lors de la ruée vers l’Afrique.

Il semble y avoir un dialogue entre la religion catholique et les religions dites traditionnelles et ancestrales. Comment se passe cette dualité ?

Il y avait (et il y a toujours) une tentative active de désarmement et de démantèlement de la religion ancestrale à travers l’Afrique, dirigée par des missionnaires chrétiens. La résilience de la pratique ancestrale est la raison pour laquelle vous voyez maintenant une dualité et une combinaison des deux dans la vie quotidienne. On pourrait dire que beaucoup de chrétiens ont été fortement inspirés par les religions autochtones du monde entier et qu’elles présentent de nombreuses similitudes. La différence est que l’un a été légitimé par l’Occident et l’autre, la religion ancestrale ne l’était pas.



Y a-t-il une partie de la mise en scène dans vos images où les personnages sont assis au bord de l’eau ?

Étrangement, cela a été une coïncidence. Je n’ai jamais eu l’intention de faire des portraits proche de l’eau. Mais il y a tellement de symbolisme autour de l’eau et de nombreux endroits où je photographiais avaient de l’eau. C’est peut-être parce que j’ai été élevé au bord de la mer, alors je suis attirée par elle d’une manière ou d’une autre. Je trouve aussi ça très amusant, tout semblait si naturel de photographier au bord de l’eau. Je suis heureuse que cela se soit passé de cette façon.
 

Votre travail a été montré en Angleterre, mais pas encore en Afrique du Sud. Un projet dans le futur ?

J’ai montré quelques extraits du travail quand j’ai commencé le projet en Afrique du Sud, mais je ne l’ai pas montré en entier. J’adorerais vraiment avoir une exposition là-bas et inclure quelques films et nouvelles images qui ne n’a pas encore été exposés. J’aimerais particulièrement le montrer à Limpopo, quartier où j’ai beaucoup travaillé et à Johannesburg parce que ma famille est là-bas.

Quels sont vos projets pour 2019 ?

J’ai hâte de travailler sur de nouveaux travaux ! C’est vraiment très excitant. Faire aussi un livre sur mon dernier projet est aussi une grande envie. Je commence également à penser à un spectacle en Afrique du Sud   ! Je pense que 2019 est une année pour moi d’expérimenter et de pousser encore davantage ma pratique; me mettre mal à l’aise et créer un travail stimulant. Je veux que mon travail personnel que je vais engager soit troublant pour le spectateur et moi-même. Je ne veux pas tomber dans le sommeil post-diplôme des étudiants !

© Giya Makondo Wills
© Giya Makondo Wills

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© Giya Makondo Wills
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© Giya Makondo Wills
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© Giya Makondo Wills
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