Les images manquantes, Interview de Maymouna Baradji

Let’s make peace 36x26cm – 2021 © Maymouna Baradji
Dessins © Maymouna Baradji
La part manquante ? – 2021 © Maymouna Baradji
armoire globale © Maymouna Baradji
Landscape Familial – 41,5×24,5 cm – 2021 © Maymouna Baradaji

 

Détail ORTM – 36x26cm – 2021 © Maymouna Baradji

Dans Landscape Identitaire, il y a ce double hommage à la fois à la mosaïque, rendre visible la tesselle invisible, mais aussi un hommage à mes archives familiales. Deux axes semblent traverser ton travail, la question de l’identité ainsi que la mémoire familiale, peux-tu nous en dire plus ?
Disons que mes premiers questionnements ont été axés sur moi sur mon identité franco-malienne. J’ai beaucoup interrogé mon rapport à l’origine de mes parents et le territoire que j’habite, la France. De ces questions, j’ai eu besoin de comprendre la trajectoire que mon histoire familiale à prise. Alors j’interroge mes aînés, mes frères et soeurs et surtout ma mère. Lorsque j’ai saisi que je menais également un travail d’archivage j’ai développé une pratique du son et de la vidéo. Comme la mémoire de ma mère passe par son oralité, ma pratique artistique ne peut que s’adapter à ce qu’elle me donne. En somme, je pense être partie de la question de l’identité pour comprendre où est ce que je me situe
dans ces territoires, dans ces cultures. On me dit souvent que je n’apparais jamais dans mon travail. Mais la réalité est que dès que je crée une pièce relatant la présence de ma mère, de sa vie, je me sens être présente dans son histoire.

Dans l’oeuvre, J’écris ce qui ne cesse de s’évanouir, ce grand dessin sur plexiglas à l’encre de chine et plume, tu semble recomposer des images, des photographies, une famille comme une sorte de collage photo. Peux- tu revenir sur l’histoire de ce travail ?
Cette œuvre a une histoire assez particulière. Elle marque mon arrivée aux Beaux Arts de Marseille. Je quittais une structure très encadrée qu’était la mosaïque pour une école assez libre. C’était assez déstabilisant comme entrée dans un nouveau système. Alors j’ai repris mes images, celles qui m’ont accompagnées toute une année. Je me suis dit « faisons réellement connaissance. Je veux les connaître par coeur, chaque posture, chaque drapé.
Mama Oum’s m’a parlé de vous mais moi comment est ce que je vous vois et vous représente ». C’était aussi une manière de présenter mon travail aux autres dire « voici mes gens, les gens qui habitent mon travail.” J’ai commencé de manière très empirique, j’ai composé au fur et à mesure une personne après l’autre sans penser à l’échelle à la chronologie aux anachronismes, juste une représentation de mon processus de mémorisation. Pour moi la technique de l’encre et de la plume, que j’emprunte à la peinture Suwer sénégalaise, est importante car elle dit quelque chose de mon rapport à la mémoire qui passe par une écriture répétitive. Cette œuvre m’a permis de raconter des bribes d’histoires, de réunir les disparus avec les restés mais aussi de montrer la constellation de silhouettes sans visages qui m’habitent. Et qui sait, une de ces silhouettes semblera peut être familière pour quelqu’un qui voudra se souvenir un peu de ses propres gens.

 

J’écris ce qui ne cesse de s’évanouir – 90x100cm – 2022 © Maymouna Baradji

 

J’écris ce qui ne cesse de s’évanouir – 90x100cm – 2022 © Maymouna Baradji

 

Kissima était charpentier, mes mères brodent – 2022 © Maymouna Baradji

Quels sont tes projets pour les prochains mois ? (recherches, résidences, podcast, travail avec ta soeur…
Cet été, je participe à une exposition collective de jeunes artistes #AboutNow2 avec la Galerie Cécile Fakhoury à Abidjan du 02 juillet au 10 septembre 2022.
Je vais poursuivre aux Beaux Arts de Marseille en Master. J’aurai la chance de suivre une formation de plusieurs mois au 18 Marrakech avec la résidence AWAL sur les questions d’oralité et de transmission. J’espère pouvoir y être avec ma soeur Rahma dont le travail rejoint le mien. Nos pratiques ont des choses à se dire. Je travaille également sur une mise en édition d’Album de famille, il s’agit d’écrits sur mon rapport à l’écriture, au langage, à ma mère, à la mosaïque. On va travailler ensemble avec Rahma qui fait du design graphique spécialisée en médias imprimés.
J’espère beaucoup pouvoir collaborer avec des ami.es avec qui je partage cette envie de mettre en lumière les archives des tiroirs de nos mamans.

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