La Terre est un ellipsoïde imparfaite

Après le projet « Fake » d’Oussama Tabti dans le cadre de KawKaw, nous voilà toujours à la recherche de photographies à la Biennale de Marrakech. Cette édition menée par la curatrice Reem Fada intitulée « Not new now/ Quoi de neuf là » a eut un bon retour critique. De notre côté, nous avons cherché où se trouvait la photographie dans les différents lieux In, Off, ou complètement indépendant de la biennale.

Lors de notre visite du lieu L’Blassa, où sont exposés les projets parallèles, nous avons remarqué le travail d’Heba Amin (Artiste visuel Egyptienne). Elle fait partie des 24 artistes sélectionnés ( sur 300 candidats provenant de plus de 50 pays différents et des quatre continents par le comité artistique de la MB6 composé de Jamal Abdenasser, M’Barek Bouhchichi, Hicham Lahlou, Sandrine Dole, Estelle Guillé, Khalid Tamer, Mohamed Amine Kabbaj et Reem Fadda). Les projets parallèles comptent une prédominance de projets en arts visuels avec 24 propositions (vidéos, installations, photographies) ainsi que 6 projets en arts vivants et 10 projets en espace public.

C’est une vraie reconnaissance nous explique l’auteur: « la Biennale de Marrakech est un évènement phare car elle se positionne comme l’une des plus importantes expositions d’art contemporain dans la région. Pour moi, c’est une tentative particulièrement décisive de connexion entre artistes du continent et pour aborder des questions qui sont pertinentes pour nous et dictées par nous. La Biennale de Marrakech représente une indépendance pour les artistes du Moyen-Orient et d’Afrique car nous commençons à naviguer via nos propres chemins d’expression et revendiquons nos propres récits. Je suis honorée de faire partie de cette transformation. ».

Dans une petite salle de l’immeuble désaffecté L’Blassa, elle expose quelques images de son travail en cours : La Terre est un Ellipsoïde imparfait, 2016. Sur les murs, on découvre en Noir et Blanc, des ellipses visuelles, comme si nous observions dans une lunette, dans un objectif. La phrase « big brother is watching you » résonne dans notre tête. Le visiteur de passage se sent à la fois voyeur et épier. Il note tout de suite la tension des images et leurs appartenances à une imagerie d’espionnage.

Ici, l’artiste se plonge dans le monde de la surveillance. Chaque image est accompagnée de coordonnées géographiques permettant la géolocalisation grâce aux latitudes, longitudes et l’altitude. Réalisées pour certaines à Boukhalef au Maroc, à Ceuta en Espagne, ou encore à Nouadhibou en Mauritanie, c’est une sorte de poème photographique qui dépeint les perspectives du paysage en témoignant de siècles de traces migratoires.
C’est en partant du livre Al-Bakri’s “Kitab al-Masalik wal-Mamalik” (Livre des Routes et Royaumes), un texte géographique du XIe siècle sur la base de comptes des marchands, des géologues et des aventuriers décrivant des principales routes commerciales dans l’empire islamique et en le faisant converger avec les récits de migration contemporaine que l’auteur a réalisé ces images.

Ainsi, ce projet porte spécifiquement sur les constructions politiques actuelles en Afrique à travers l’arpentage et des techniques qui ont été utilisées le long des chemins de migration depuis des siècles de mesure. Elle tente de placer l’histoire de la migration contemporaine au sein de l’histoire des progrès technologiques et le développement urbain où la souveraineté nationale est explorée par rapport aux voies de circulation.
Prochainement c’est l’Egypte qu’elle arpentera. C’est en effet d’Alexandrie qu’est originaire Heron d’Alexandrie (auteur de « Sur le Dioptre », mathématicien et ingénieur grec) inventeur de le théodolite, et des instruments de mesure de la terre qui ont permis de tracer ces routes. Des outils puissants de surveillance et de contrôle du paysage. Sur plusieurs années, Heba Amin compte mener un vaste voyage sur ces points de rencontres dans différentes contrées du continent.

**Biographie

Heba Y. Amin est née en 1980 au Caire. C’est une artiste visuelle égyptienne actuellement invitée en tant professeur adjoint visiteur en art visuel à l’Université américaine du Caire. 
Les projets d’Heba Amin sont des enquêtes fondées sur la recherche portant sur la convergence de la politique, la technologie, l’urbanisme et les médias. Le travail artistique de Amin a été montré dans le monde entier à travers les récentes expositions au Musée d’Art Moderne de Varsovie, le Kunstverein à Hambourg, Camera Austria, Berlin Berlinale Forum 9ème Exposition élargi, la Biennale Internationale IV Moscou Jeune Art, ou encore le Musée d’Art de Gotland en Suède… On la retrouvera en mai prochain lors de la biennale de Dak’Art, ainsi qu’à la Galerie Zilberman à Istanbul en Turquie.

En savoir plus sur les projets parallèles de la biennale: http://www.marrakechbiennale.org/fr/projects-paralleles

© Heba Amin
© Heba Amin
© Heba Amin
© Heba Amin
© Heba Amin
© Heba Amin
© Heba Amin
© Heba Amin