Youssouf Sogodogo
Youssouf Sogodogo

Le principal représentant du secteur photographique de Bamako

Avant de quitter Bamako pour continuer le projet d’Afrique in visu dans d’autres pays africains, nous avons eu le plaisir d’interviewer chez lui, Youssouf Sogodogo , le directeur du CFP .

Après 5 mois de collaboration avec ce centre, nous sommes ravis de pouvoir vous présenter cette personnalité de la photographie malienne respectée pour son travail personnel comme pour son enseignement.

Nous lui souhaitons bonne continuation ainsi qu’aux élèves. Nous attendons le mois d’octobre avec impatience pour pouvoir continuer notre échange avec le CFP.

Youssouf Sogodogo
Youssouf Sogodogo
Peux-tu te présenter brièvement ?

Je suis un passionné de la photo. Un photographe auteur et formateur en laboratoire au CFP de Bamako.

Depuis quand pratiques-tu la photo ?

Je pratique la photo depuis 1975 pendant mes études de dessin et arts plastiques à l’Institut National des Arts de Bamako.

Le centre est depuis peu indépendant, une association de droit malien, que cela a- t-il changé pour vous ?

Le Centre de Formation en Photographie de Bamako est devenu l’association CFP (Cadre de promotion pour la Formation en Photographie.) Le premier changement est l’autonomie de gestion depuis juin 2005. Cette autonomie a permis de restructurer le centre et de renforcer ses capacités opérationnelles. Désormais toutes les décisions émanent du centre. Cependant, nous bénéficions d’un soutien financier de Helvetas –Mali, association suisse pour la coopération internationale qui a créé le centre en 1998. 


La formation du CFP avait pour but, au départ, de structurer le secteur de la photographie et elle était destinée à un public de photographes de studio cherchant à se perfectionner. Depuis quelque temps, on sent que cette formation change de destinataires et évolue. Finalement quels étudiants vises-tu actuellement ?

Le centre est ouvert à toute personne qui aime l’image. Il ne s’agit pas seulement les professionnels mais tous ceux qui désirent être photographes.

Nous aidons les photographes à mieux développer leur expérience en photographie afin de mieux professionnaliser le secteur.

Pourquoi le centre ne devient-il pas une école ?

Nous n’avons pas la prétention de faire du centre une école, du moins pas pour l’instant. D’abord parce qu’une école photo nécessite d’importants moyens financiers pour l’acquisition de matériels professionnels et de consommables photos non disponibles sur les marchés africains, ensuite une école exige des locaux plus grands pour accueillir les élèves et un corps d’enseignants disponibles et qualifiés en la matière. D’autre part, il faut l’autorisation et le soutien du Ministère de l’Education pour envisager l’ouverture d’une école. Dans tous les cas, nous y pensons pour le futur.

Les tresses © Youssouf Sogodogo
Les tresses © Youssouf Sogodogo
On constate souvent que les photographes maliens malgré un travail photographique de qualité n’ont pas de discours construit, ce qui les pénalise. Le CFP compte-il favoriser un enseignement par rapport à ce constat ?

Nous avons des cours d’analyse d’images ou d’éditing qui servent à cela. Ces cours permettent aux élèves de construire un discours à partir de leurs photographies.

Le réel problème auquel nous sommes confrontés est souvent le niveau disparate des élèves admis au CFP.

C’est pour cela que cette année tu as lancé un appel à candidatures destiné aux jeunes filles d’un niveau DEF ou BEPC. Cela montre-il la nouvelle orientation du centre ? Et avez-vous pour l’instant des candidatures intéressantes ?

Vous convenez avec moi qu’avoir des élèves d’un même niveau ne ferait que faciliter l’enseignement. Les filles sont souvent moins favorisées en matière de scolarisation et victimes des divers maux de la société moderne. Nous pensons que la photo est un domaine qui pourrait leur ouvrir de nouveaux horizons.

Actuellement nous n’avons pas de dossier déposé, mais des jeunes filles passent se renseigner ou téléphonent.

Nous avons aussi reçu de nombreux jeunes gens intéressés par la formation longue. Même des adultes ont réagi à cet appel, mais ils sont plutôt pour une formation courte en photo numérique. Ce sont des personnes qui souhaitent se perfectionner dans les nouvelles techniques de la photographie.

Finalement nous programmons les formations par rapport aux demandes.

Qui sont les enseignants du centre ?

Comme équipe permanente, il y a Aboubakrine Diarra qui dispense des cours de prise de vue argentique et numérique, Sébastien Rieussec pour les cours d’analyse d’images et moi-même pour les cours de laboratoire. Harandane Dicko et Fatoumata Diabaté qui sont des assistants labo aident les élèves à se perfectionner. Les élèves les plus expérimentés passent le relais entre moi et les jeunes élèves. En dehors de cette équipe permanente. Nous faisons appel à des intervenants extérieurs.

Nous bénéficions aussi du soutien pédagogique d’un partenaire suisse, le Centre d’enseignement Professionnel de Vevey (CEPV) dans le cadre d’un échange entre étudiants.

Quels sont les objectifs actuels du CFP ?

L’association est créée dans un triple objectif : assurer la promotion pour la formation en photographie, favoriser la professionnalisation du secteur et enfin faciliter les rencontres et les échanges entre les professionnels de l’image.

Finalement vers quels types de photographie, les élèves du CFP sont-ils orientés ?

Les élèves sont orientés vers la photographie d’auteur. Le but de cet enseignement étant de sortir les photographes maliens ou ouest africains de la situation de photographes de mariage ou de baptême, afin de leur permettre de se positionner par rapport aux Rencontres de la Photographie Africaine et des résidences à l’étranger.

CFP
CFP
Le centre est très bien équipé (ordinateur, scanner de négatif, appareils numériques). On voit qu’il est très important que les photographes s’emparent des nouvelles technologies. Quelles formations suivent les élèves du CFP à cet égard ?

Courant 2006 déjà nous avons bénéficié du soutien du Centre Culturel Français de Bamako pour des séances d’apprentissage en informatique qui nous ont permis d’introduire les bases de la formation photo numérique au CFP. Quatre sortants dont deux filles ont suivi des cours sur tous les aspects de la photographie numérique de la manipulation de l’appareil numérique à la mise en ligne d’images sur Internet en passant par l’impression et le traitement d’images dans Adobe Photoshop CS2. L’archivage des images et la connaissance des différents formats de fichiers ont fait partie de cette formation. Les stagiaires de la deuxième année ont suivi une autre session similaire en février 2007. Nous devons absolument étendre ce type de formation à tous les apprenants du centre car lorsque nous couvrons des festivals, nos interlocuteurs ont besoin de photos immédiatement pour des publications quotidiennes.

Cela dit, nous ne laisserons pas tomber la photographie argentique !

Pour les Rencontres 2007, dont le thème est la ville et l’au-delà, pourra-t-on voir le travail du CFP ? Et de quelle manière ?

Bien sûr c’est la plus grande Rencontre professionnelle africaine. Les élèves seront présents que ça soit en IN dans les espaces réservés à cet effet ou en OFF dans le patio ou au café photo du CFP.

Pourquoi ne pas travailler la couleur avec les élèves ?

Nous sommes équipés pour travailler surtout le noir et blanc. Cela étant, le centre dispose d’un agrandisseur professionnel muni d’une tête couleur pour répondre à d’éventuels tirages couleurs. Par ailleurs, nos élèves réalisent souvent certains de leurs travaux en couleur mais les pellicules sont développées en Suisse pour une garantie professionnelle.

Le CFP est devenu l’un des principaux prestataires des événements culturels au Mali. Comment se passent ces collaborations ? Les élèves sont-ils rémunérés ?

Nous ne sommes pas encore devenus devenu le principal prestataire des événements culturels au Mali. Par contre, nous sommes sollicités de façon ponctuelle, pour des activités photographiques internationales.

Toute production réalisée lors de la formation passe par une convention signée entre le centre et les élèves. Les négatifs appartiennent aux photographes mais ils restent conservés après leur formation au centre pendant un temps défini par la convention . Nous pouvons donc exploiter ces photos et le stagiaire est rémunéré selon des termes de la convention.

Vous vous tournez de plus en plus vers la prestation de service en faisant les tirages et les impressions numériques. Est-ce vraiment votre rôle ?

Ce n’est pas notre rôle. Mais en tant que partenaire technique des Rencontres africaines de la photographie, nous sommes sollicités pour des tirages professionnels. De même, pour des festivals nous intervenons pour donner une note professionnelle aux activités photographiques. Il arrive aussi que des galeristes locaux ou étrangers nous sollicitent pour des travaux qui exigent une touche professionnelle que nous sommes les seuls à avoir sur le terrain. Nous ne faisons donc pas de la prestation de type commercial.

Palme © Youssouf Sogodogo
Palme © Youssouf Sogodogo
Qui sont vos bailleurs de fonds ?

Notre principal bailleur est Helvetas/Mali. En 2006 nous avons bénéficié d’une subvention du PSIC (Programme de Soutien aux Initiatives Culturelles) pour le renforcement des capacités techniques et opérationnelles de notre centre.

Cette année nous allons nous tourner vers d’autres bailleurs tels que : CULTURESFRANCE , le SCAC, le CCF , la COOPERATION SUISSE et AFRICALIA pour différents projets.

Harandane Dicko et Fatoumata Diabate, ont pu bénéficier de nombreuses résidences pendant deux ans. Qui y participe ?

C’est le résultat du travail des élèves qui fait qu’ils sont choisis. Les directeurs de résidences regardent le travail des élèves et choisissent leurs candidats. Nous ne faisons que répondre à ces sollicitations.

Répondez-vous à des commandes ?

Le CFP travaille un peu comme un collectif en tant qu’association. Donc nous répondons à des commandes telles que tirages professionnels argentiques noir et blanc, numériques pour des expositions, reportages photos, encadrement de photographies, découpe de Marie Louise et montage d’expositions.

Et comptez-vous réaliser des résidences de photographes étrangers au CFP ? Dans quel cadre et qui sera le formateur ?

Nous pensons faire une résidence internationale cette année, inch’allah ! Ce serait un projet de femmes photographes. Nous allons lancer un appel à candidature pour un atelier qui se déroulera à l’approche des Rencontres de 2007. Nous ne savons pas qui sera le formateur actuellement mais nous pensons plus à des formateurs maliens, belges et suisses. Chaque année une rencontre entre maliens et suisses a lieu au mois d’octobre au CFP avec l’école de Vevey.

Connais-tu d’autres centres de formations en photo sur le continent africain ? Comptes-tu collaborer avec eux ? Comment ?

Je sais qu’il existe des centres à Johannesburg et à Maputo. J’ai rencontré les photographes de Maputo, entre autres Rui Assubuji, avec qui nous avons discuté d’une éventuelle collaboration. Nous espérons que le CFP puisse participer à Fotofesta lors de la prochaine édition.

Que penses-tu de la politique culturelle envers la photographie au Mali ?

Toi qui pratiques la photo depuis longtemps, cette politique a-t-elle changé ?


Le fait que le Ministère de la culture malienne ait inscrit dans son programme la Maison Africaine de la Photographie montre le besoin et le soutien à la photographie malienne.

Le Ministre de la culture, Cheik Oumar Sissoko, nous a félicités pour la qualité de nos activités. Son département souhaite que tous les événements culturels à caractère officiel soient couverts par le CFP.

Et que penses-tu de la Maison Africaine de la Photographie ?

Je pense que la MAP est nécessaire aujourd’hui mais il faut qu’elle développe beaucoup plus d’activités entre les biennales.

Elle a une vocation panafricaine mais pour pouvoir organiser le secteur de la photographie en Afrique, il faut déjà réussir à organiser le secteur de la photo à Bamako. Le répertoire que la MAP est en train de réaliser, par exemple, en ce moment est une œuvre salutaire pour les photographes maliens.

Tu es souvent bien plus qu’un directeur pour les élèves, tu es un modèle, reprendras- tu un jour ta carrière de photographie ?

Je n’ai jamais abandonné. Mais les multiples activités que je développe maintenant ne me permettent plus de faire des photos comme par le passé.

J’ai trois sujets de prédilection: les villes, la nature, les tresses.

Vas-tu bientôt participer à des résidences ?

Oui, si le temps et les opportunités me le permettent.

J’ai déjà effectué des résidences à Vevey, à Bâle, Marseille et en Seine st Denis

Actualité du CFP :

La collaboration entre acte 7 et CFP vient de voir naitre la publication «Les lionnes de ma commune» .

Pour plus d’information rendez vous sur le site du CFP.