Les enfants de Menya

En novembre 2009, lors des Rencontres de Bamako, nous découvrions le travail de la photographe française d’origine Égyptienne Myriam Abdelaziz. Elle y exposait une série sur les darfouris réfugiés au Caire. Depuis nous suivions son travail, ses nouvelles séries.

Aujourd’hui avec cette interview, nous revenons à la fois sur son parcours, sa manière de travailler et d’envisager son métier, tout en focalisant sur l’une de ses dernières séries très remarquées, les Enfants de Menya.

Racontez-nous un peu votre histoire, quand êtes-vous devenue photographe ?

Je me rappelle mon premier contact avec un appareil photo, je devais avoir 14 ou 15 ans, je vivais en Egypte et allais au Lycée Français du Caire. L’école proposait une activité « Chambre Noire » et je m’y suis inscrite… J’étais une enfant très timide et pouvoir être en cours sans que personne ne me voit m’a mis très à l’aise… rapidement cette activité est devenue mon cours préféré. Pour pouvoir passer plus de temps dans la chambre noire, je devais produire de plus en plus de photos : c’est vraiment comme ça que tout a commencé. Ensuite j’ai pris des cours à la fac en extra, puis avec la Mairie de Paris… tout ce que je trouvais pour améliorer mes connaissances. C’est en 2005 que j’ai décidé de me consacrer totalement à la photographie et d’en faire mon métier. J’ai déménagé à New York pour faire une formation par laquelle j’ai appris la pratique professionnelle : le marché, les réseaux. C’est vraiment l’ICP (The International Center of Photography) à New York qui m’a mis le pied à l’étrier.

New-York joue une place importante dans votre parcours photographique, que vous a apporté cette ville ?

J’adore New York. Cette ville m’apporte énormément au quotidien, pour mon parcours photographique mais aussi mon développement personnel. Je m’y retrouve car ici il n’y a pas de moule, tout m’inspire mais surtout les gens, les New Yorkais, leur créativité au coin de chaque rue, ce désir de produire et de créer, la diversité culturelle et l’esprit entrepreneur.

Vous avez aussi été formatrice sur différents workshops notamment au Maroc sur l’atelier du Worldpress Photo. Quelles expériences en retirez-vous ?

J’aime le contact avec les étudiants, partager son savoir est un aspect de l’enseignement, l’autre c’est d’apprendre des étudiants eux mêmes. Dans le domaine créatif les discussions sont souvent illuminatrices et j’aime partager avec les autres. Au Maroc nous avons eu un groupe très intéressant, dynamique et motivé.

Série Menya's Kids © Myriam Abdelaziz
Série Menya’s Kids © Myriam Abdelaziz

Avez-vous toujours un appareil photo sur vous ? Comment prenez-vous des photographies ?

Non, bien au contraire. Je sépare mon temps de façon calculée, c’est à dire que quand je travaille sur un projet je ne fais vraiment rien d’autre. Je suis plus ou moins injoignable et mon appareil ne me quitte pas c’est comme une totale immersion et le reste du temps je m’oblige à ne pas prendre mon appareil avec moi… c’est un peu tout ou rien, j’ai du mal à faire correctement plusieurs choses à la fois…

Aujourd’hui l’essentiel de votre travail photographique consiste-il en des commandes de reportages pour la presse, des sujets personnels ou des expositions ?

Principalement des sujets personnels que je finance moi même. Ces projets sont souvent publiés ou exposés. Les commandes par contre sont de plus en plus rares.

Aujourd’hui, vous vivez à New York mais l’essentiel de vos sujets concernent l’Egypte, un pays où vous avez des origines, Comment se passe ce va et vient ?

Il est vital pour mon équilibre, j’ai besoin des deux pour me sentir entière, cela a pris quelques années pour m’organiser de façon pratique mais maintenant c’est fluide et agréable.

Comment définissez-vous vos sujets ?

Je suis mon instinct, c’est à dire ma curiosité… Si un sujet m’intéresse je dois aller le documenter.

Série Menya's Kids © Myriam Abdelaziz
Série Menya’s Kids © Myriam Abdelaziz

Série Menya's Kids © Myriam Abdelaziz
Série Menya’s Kids © Myriam Abdelaziz

En 2014, vous réalisez la série Menya’s kid. Pourquoi et comment avez-vous entendu parler de ce sujet ? Qu’avez-vous voulu montrer ?

Suite aux évènements politiques en Egypte qui ont commencés en 2011, je me suis intéressée aux conséquences concrètes de cette « Révolution » sur la population… je voulais m’éloigner des news et de la politique et traiter un sujet connecté bien qu’à l’écart des évènements immédiats.

L’importante crise économique que le pays traverse et ses conséquences sur une population déjà pauvre au départ me sont apparues comme une évidence, c’est ce que je voulais traiter.

Le sujet sur les enfants de Menya est venu à moi lors de ce voyage. J’étais à Menya pour une commande, un sujet sur les femmes dans les villages et j’ai entendu parler de ces enfants. J’ai été sur place et ai décidé de revenir pour les documenter.

C’est en situation de crise que les plus faibles sont les plus touchés, une injustice universelle. Ainsi les enfants issus des familles les plus pauvres sont les premières victimes de cette lourde crise.

Je voulais leur donner une voix à un moment où les phares sont sur les activistes, les journalistes, les élections, les manifestations… dans l’ombre des enfants meurent à cause de la pauvreté.

Sur cette série, le rendu est d’une grande blancheur, d’une grande douceur, les enfants semblent dans un nuage de sel. Comment avez-vous joué avec cette très forte lumière et la blancheur du sel ?

Le soleil tape très fort dans le Sud de l’Egypte et la lumière est donc intense. Avec la réflexion du blanc neige de la montagne et la poussière, c’était presque aveuglant. Je voulais reproduire cette sensation.

Série Menya's Kids © Myriam Abdelaziz
Série Menya’s Kids © Myriam Abdelaziz

Quels sont vos prochains projets ?

Je travaille sur deux projets personnels en ce moment, l’un est expérimental et l’autre documentaire, ici à Brooklyn. Je ne préfère pas parler de projets qui ne sont pas encore terminés…

Et pour conclure, pouvez-vous nous préciser vos prochaines actualités ?

Ce travail sera exposé du 19 au 21 Septembre à Montréal (Canada) dans la cadre du EAS14 (Envision Arab Submit) organise par l’ADI (Arab Development Initiative).

C’est ensuite à Barcelone à la Galerie Valid Foto qu’on le retrouvera à partir du 13 Octobre dans le cadre du concours Lens Culture

Et de nouveau du 22 au 24 Octobre à Genève (Suisse) dans le cadre du SIGEF (Social Innovation and Global Ethics Forum)

Je participe aussi en tant que invitée à la conférence « Mémoires futures/ Future Memories », une conférence internationale sur l’Art, l’Espace public et la culture de la mémoire, du 16 au 18 Septembre à Addis Abeba (Ethiopie).

Série Menya's Kids © Myriam Abdelaziz
Série Menya’s Kids © Myriam Abdelaziz

Série Menya's Kids © Myriam Abdelaziz
Série Menya’s Kids © Myriam Abdelaziz

Série Menya's Kids © Myriam Abdelaziz
Série Menya’s Kids © Myriam Abdelaziz

Série Menya's Kids © Myriam Abdelaziz
Série Menya’s Kids © Myriam Abdelaziz

Série Menya's Kids © Myriam Abdelaziz
Série Menya’s Kids © Myriam Abdelaziz