Les perles rares d’un studio photo

Nous sommes le vendredi 13 mai, nous retrouvons Adama Kouyaté dans son studio parisien éphémère qui accompagne sa première rétrospective parisienne dans le centre de Paris. Tout sourire, il nous raconte quelques anecdotes sur son travail de photographe.

Adama Kouyaté à Paris à la galerie Jean Broly le 13 mai 2011 © Baptiste de Ville d'Avray pour Afrique in visu
Adama Kouyaté à Paris à la galerie Jean Broly le 13 mai 2011 © Baptiste de Ville d’Avray pour Afrique in visu
De très beaux tirages retracent le parcours de ce photographe et sont accompagnés d’un bel ouvrage illustrant différentes périodes: de Kati, à Ouaga en passant par Bouaké et Ségou.

Il y a de nombreux photographes de studio au Mali, deux aujourd’hui ont acquis une renommée à l’étranger à travers la Biennale de Bamako et des expositions à l’internationale.

Adama Kouyaté fait parti des photographes ayant eu une reconnaissance tardive à l’internationale pourtant sa pratique n’a rien à envier aux autres. A travers une trentaine de tirages, on voyage et rencontre un militaire, une famille, un groupe d’amis, des amoureux, un motard, un villageois.

Ces photos subliment les accessoires des modèles: cigarettes, motos, robes, coupes afro- la liberté des années 50-60. Aujourd’hui comme le souligne Adama, la mode a bien changé, les filles portent des perruques, des mèches délaissant les cheveux aux naturels.
A l’époque, chacun de ces clients vient affublés des nouvelles tendances. Parfois sur un fond uni, blanc ou noir, ou encore sur un fond peint par un dessinateur local illustrant une palmeraie qui permet aux modèles de voyager, le photographe les met en valeur.

Malgré les coupures d’électricité récurrentes à l’époque, Adama Kouyaté s’arrange toujours pour que le client soit satisfait. C’est ce qui fait tout le charme de ces photos, comme cette image prise un jour de marché où malgré l’absence d’électricité ou de flash, le photographe s’arrangea pour que ces deux modèles accompagnés de leur poste radio repartent avec leur photo au village.
Chaque photo est particulière, derrière chacune d’elle une anecdote et un œil qui cherche à attraper le regard de ces semblables.

Premier appareil photo d'Adama Kouyaté, un Rolleiflex, et son livre Studio d'Afrique aux édtions Gang / Paris à la galerie Jean Broly le 13 mai 2011 © Baptiste de Ville d'Avray pour Afrique in visu
Premier appareil photo d’Adama Kouyaté, un Rolleiflex, et son livre Studio d’Afrique aux édtions Gang / Paris à la galerie Jean Broly le 13 mai 2011 © Baptiste de Ville d’Avray pour Afrique in visu
Adama Kouyaté a travaillé pendant longtemps avec un vieux rolleiflex offert par Pierre Garnier quand il avait 35 ans. C’est Pierre Garnier, qui tenait le studio photo Hall soudanais à Bamako qui l’a formé comme bien d’autres photographes de sa génération.
Il était apprenti préposé aux agrandissements chez lui. Comme il le dit, il a d’abord manié le laboratoire avant l’appareil photo. De temps en temps, au comptoir, il vendait alors du matériel, pellicules et chimie à Seydou Keita, aujourd’hui mondialement reconnu.

Son premier studio, Adama l’installe en 1949 à Kati à quelques kilomètres de Bamako. Puis il déménage pour ouvrir son deuxième studio à Ouagadougou au Burkina Faso en 1964, un troisième ensuite à Bouaké en Côte d’Ivoire Photo Hall Ivoire. Pour enfin, ouvrir le dernier, l’actuel Photo Hall d’Union le 22 septembre 1969 à Ségou.

Aujourd’hui ce photographe vit toujours dans cette ville, à environ deux cents kilomètres de Bamako et réalise toujours le portrait des clients ségoviens ou de passage. En pellicule noire et blanc, au rolleiflex bien que lui seul les développent dans la région, ou à l’aide d’un appareil 24X36, Zénith couleur pour des photos de mariages, d’identité, les fêtes des chasseurs.

Dans ses placards plus de 1000 boites kodak avec 800 négatifs dans chacune
Triées par jour et année. Il faut dire que cela marche bien à Ségou; le photographe réalise entre 2 à 6 bobines par jour pendant 40 ans.
Il y a quelques semaines, Adama Kouyaté, 84 ans , s’est vu remettre la médaille du mérite par le ministre de la culture, Mohamed El Moctar. Une reconnaissance de la part de ces pairs au Mali.
Dans son pays, le photographe a exposé pendant la Biennale de Bamako, mais aussi à la Maison de la jeunesse et dans la galerie de Chab Touré à Ségou.

A travers sa boite noire, son fidèle Rolleiflex a enregistré plus de 40 ans de vies de ces congénères maliens, burkinabés et ivoiriens. Il y a fort à parier que dans les années à venir, on découvrira encore dans les cartons d’Adama Kouyaté des perles rares !

A découvrir jusqu’au 4 juin, l’exposition d’Adama Kouyaté à la Galerie Jean Brolly – Commissaire Éric Guglielmi et Jean Brolly.

Adama Kouyaté est représenté en Europe par la galerie Jean Brolly et au Mali par Amadou Chab Touré.

A lire, Studio d’Afrique, magnifique ouvrage paru en 2010 aux éditons Gang – Livre sélection Amadou Chab Touré.

1965 © Adama Kouyaté / courtesy Jean Brolly
1965 © Adama Kouyaté / courtesy Jean Brolly

sans date © Adama Kouyaté / courtesy Jean Brolly
sans date © Adama Kouyaté / courtesy Jean Brolly

1954 © Adama Kouyaté / courtesy Jean Brolly
1954 © Adama Kouyaté / courtesy Jean Brolly

1955 © Adama Kouyaté / courtesy Jean Brolly
1955 © Adama Kouyaté / courtesy Jean Brolly

1971 © Adama Kouyaté / courtesy Jean Brolly
1971 © Adama Kouyaté / courtesy Jean Brolly