Tsoku Maela, les failles inhérentes

On avait été touché par son travail subtil lors du Lagos Photo festival. Depuis c’est à travers son mur instagram que nous suivons Tsoku Maela
basé à Cape Town. Sa démarche : examiner les failles inhérentes à l’être humain. Il aborde diverses formes de stigmatisations dans la série Broken Things. Intriguantes, ses images racontent l’histoire d’une relation intime entre deux personnages imparfaits qui tombent amoureux de leurs imperfections. Auparavant avec Abstract pieces, il avait documenté sa dépression à travers des morceaux de vies abstraits, créant ainsi une histoire visuelle sensible autour de la maladie mentale dans les communautés noires.

Bonjour Tsoku, comment avez-vous commencé à explorer le medium image tel que le film ou la photographie ?



Je ne suis pas tout à fait sûr, pour être parfaitement honnête, de la raison de ma décision. La photographie me semblait une distraction ennuyeuse et immobile. Je me moquais souvent des photographes quand j’en rencontrais. Ils faisaient des portraits de famille et de mariages, cela ne me paraissait rien de plus que de l’immobilité. Mais au fil des ans, dans ma solitude et le fait d’avoir tendance à m’effacer en observant, j’ai vu des choses sur l’instant. Les gens ne me fascinent pas beaucoup. Je pense qu’ils sont tous conditionnés, mais mon œil est rapide et mes réflexes aussi. J’arrive ainsi rapidement à déchiffrer les micro expressions et ce que la personne pense vraiment. Les petites nuances de la vie sont ce qui la rende si belle et intéressante. Je voulais les saisir et les représenter. Pour quelqu’un qui cogite beaucoup comme moi, cette touche de réalité peut donner à réfléchir. Le cinéma et la photographie me permettent de prendre quelque chose de tout simple et de l’interpréter dans un sens poétique afin que tout le monde puisse la comprendre.

Quelles sont vos influences ?

Je n’en ai pas vraiment. J’essaie d’apprendre de tout le monde mais j’ai peu de patience pour me sentir absorbé par le travail de quelqu’un d’autre profondément. C’est toujours fugace, comme une expérience qui devient une partie de vous inconsciemment. J’apprécie les travaux d’Harness Hamese. Je pense qu’il est le meilleur photographe de notre temps et le meilleur que nous ayons sur le continent. Son travail avec Khumbula a changé ma vie pour être honnête.

Dans la plupart des projets, vos personnages ont le visage caché, parfois par du maquillage, des tissus, comme des masques. Pourquoi ?

Les gens sont inconstant et facilement influencé par les apparences. Ainsi je ne peux m’engager avec un sujet que je ne peux voir ou comprendre alors j’ai créé un chemin par la substitution. J’aime les peintres. J’envie la liberté qu’ils ont de s’exprimer avec l’abstraction. Comme Picasso pendant sa période bleue pouvait peindre des gens bleus, tout comme les Khoi dessinaient des hommes rouges sur les rochers en arrière dans leur temps, je devrais pouvoir le faire aussi, selon le message et l’humeur que j’essaie de transmettre. Je ne photographie pas les humains mais plutôt ce qu’ils représentent pour moi.

© Tsoku Maela
© Tsoku Maela
© Tsoku Maela
© Tsoku Maela
© Tsoku Maela
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Vos images parlent souvent de vos rêves, comment les réalisez-vous ?



Ce n’est pas facile, surtout avec les ressources limitées que j’ai pour créer. Les rêves sont presque toujours très vagues et personnels, mais en eux, je trouve souvent des leçons que nous pourrions tous appliquer dans nos vies. C’est la raison pour laquelle je rends les œuvres publiques. Les rêves, pour moi du moins, sont tout aussi réels que notre vie éveillée. La plupart d’entre nous ne rêvent plus et je pense que c’est une grande partie de notre évolution que nous devons préserver. Nous pouvons trouver tant de clareté sur notre vie dans ces rêves si nous y prêtons attention et avons la patience de découvrir le sens qui se cache derrière eux.

Votre travail « Broken things » qui vient d’être montré à Lagos Photo festival, a été un grand succès. Qui sont les deux personnages de cette histoire ? Que nous dit-il ?

Broken things (Choses brisées) raconte une histoire d’amour-propre. Nous vivons dans une société qui valorise le consensus sur la pensée individuelle, où les tabloïds et les magazines nous disent comment nous devrions regarder ou quoi manger ou comment tomber amoureux. Qu’en est-il de ce que je pense ? Pourquoi permettez-vous à quelqu’un d’autre de dicter qui nous sommes ? Nous le faisons parce que nous ne savons pas vraiment qui nous sommes. Mais nous savons ce que Kim Kardashian aime à porter, ou ce que Justin Beiber avait pour le déjeuner. Nous ne passons pas assez de temps à nous connaître nous-mêmes, de sorte que nos défauts de caractère se sentent comme des obstacles dans la voie de notre vrai moi, alors qu’en réalité, ils font partie de ce que nous sommes. Ainsi, les personnages vous représentent et moi aussi. La personne de tous les jours qui doit accepter ces défauts et les porter fièrement avant de pouvoir tomber amoureux de tout ou de n’importe qui d’autre.

C’est un travail très personnel, Abstract Peaces, qui vous fait connaître le grand public. Est-ce un travail autobiographique ? Apparaissez-vous souvent dans vos photos ?



Abstract Peaces n’a jamais été conçu comme un corpus. Je luttais profondément avec ma dépression maniaque et une anxiété sociale à l’époque et la seule façon que j’ai trouvé pour atténuer la tension était de la documenter. Je suis dans toutes les photographies sauf « Waiting ». Maintenant que le travail est terminé, j’espère qu’il soulèvera les questions autour des questions de santé mentale et mènera à la sensibilisation nécessaire, spécialement dans les communautés noires où elle est encore fortement stigmatisée.

Il y a une grande part dans Abstract Peaces qui est ajouté en post-production, pouvez-vous nous dire comment vous imaginez votre série à l’avance et comment vous travaillez ?

Le processus créatif est l’équilibre entre la pré-visualisation et la spontanéité. Je sais ce que je cherche 90% du temps, mais 90% du temps, il faut faire un demi-tour complet. Photoshop a été nécessaire, car la majorité du travail est inspiré par mes rêves et j’aime la liberté de créer à partir de rien. J’ai été critiqué par des «puristes», mais ça ne me dérange pas. Nous avons tous nos flux de travail et nos talents.

Vous avez récemment réalisé un film appelé « Confluence », pouvez-vous nous faire connaître cette histoire ? Et pourquoi avoir choisi la vidéo et non la photographie pour ce projet ?



Confluence est un film de mode sur l’histoire de deux tribus africaines en guerre, raconté par un vieil homme sage qui a vécu sa jeunesse pendant cette période. Il nous dit comment l’unité et la paix entre les tribus était la raison pour laquelle l’homme africain se trouvait là. La capacité de partager des idées et d’innover, d’une certaine manière. L’illimité dans la collaboration. J’ai été approché pour écrire et diriger le film basé sur mon travail photographique et mon esthétique. J’ai toujours voulu traduire mes travaux en cinéma. C’était aussi un rêve de travailler avec une équipe. C’était donc incroyable.

Les prochaines actualités de Tsoku Maela
– Cape Town Art Fair du 17 au 19 février
http://www.capetownartfair.co.za/
– Restitution de résidence, Amplify Studio , fin mars .
https://www.amplifystudio.co/

– https://www.instagram.com/tsocu/
– http://tsocu.tumblr.com/

© Tsoku Maela
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