Un regard « hyper réaliste »

Premier photographe rencontré par Afrique in visu au Maroc, Fouad Maazouz pose un regard « hyper réel » à travers ses portraits.

La finesse, la précision des détails et les couleurs hyper saturées sont le rendu de ses photographies intrigantes, à l’apparente mise en scène.

Ce jeune photographe parcourt le monde avec ses expositions, ses résidences. Si son exposition passe par chez vous, courez-y !

© Fouad Maazouz
© Fouad Maazouz
Je crois que tu es issu d’une formation en design graphique. Sur ton site Internet, tu rends hommage à ton maître en photo « Monsieur Mohamed Mali », peux-tu nous parler de ton parcours ?

J’ai découvert la photographie très jeune. J’étais alors surfeur et après une blessure j’ai dû arrêter. Pour m’occuper, j’ai commencé à lire des magazines photos. Je me suis alors passionné pour la photo.

Ensuite j’ai fait diverses études, sciences politiques,… et je me suis posé la question de comment assurer ma vie. J’ai découvert la photo publicitaire qui permettait d’allier la photographie et d’assurer mon avenir. Je me suis alors inscrit dans l’école de Design graphique, Art Com à Rabat. On avait 1 heure de photo tous les quinze jours.

J’ai suivi ma voie de photographe autodidacte parrainé par mon maître Monsieur Mohamed Mali.

Pour moi la photo idéale n’existe pas, j’ai donc toujours des choses à apprendre.


Comment te considères-tu ? Es-tu un photographe plasticien ou documentaire ?

Je fais de la photographie artistique. La photographie est un domaine très vaste, c’est de la création à partir d’un regard.

Lorsqu’on lit les articles et les catalogues sur la photographie marocaine, on a l’impression que tu es considéré comme l’un des chefs de fil de la jeune génération. Penses-tu te démarquer des pratiques de la génération précédente et qu’il y a réellement une nouvelle manière d’aborder la photographie ?

Me considérer comme un chef de fil c’est une responsabilité. Je commence ma carrière, je nourris encore mon regard. L’ancienne génération nous a fait exister mais désormais nous travaillons et utilisons de nouveaux outils technologiques qui peuvent servir à la future génération.

© Fouad Maazouz
© Fouad Maazouz
Sur ton site on peut découvrir une série de portraits, je me demandais si tes personnages sont mis en scène ?

Très bonne question…

Mon travail, c’est ce qu’il y a derrière cette image. La photo elle-même ne m’intéresse pas. Les portraits sont avant tout des gens avec qui j’ai vécu des moments. Je dois intégrer leurs vies pour vivre leurs propos, je réalise alors leur portrait quand j’ai compris l’histoire de cette personne. Je cherche quelque chose en eux qui est en moi.

Je prends beaucoup de temps pour réaliser cette photographie. La personne doit me marquer. Je dois vivre cette expérience. Par exemple tu vois, l’image de la femme avec le chapeau, c’est ma Joconde ! Ces photos ont été faites en liberté totale.

Ces portraits, que représentent-ils pour toi ?

C’est une biographie, mon portrait, des choses que j’ai affrontées ou que mes proches ont subi.

Réalises-tu exclusivement des portraits ?

Je m’intéresse à de nombreuses choses mais je suis très concentré sur l’identité sociale. J’aime témoigner de mon temps. Mes photos dépendent de mes concepts du moment, de mes idées…

Nous avons remarqué la finesse et la précision des détails de tes portraits, travailles-tu en moyen ou grand format ?

Mon travail s’inspire de nombreux artistes. Si tu ne connais pas l’artiste sculpteur Mueck, il faut vraiment que tu vois !

En photographie, j’aime beaucoup le travail de Sebastião Salgado et David Lachapelle pour la saturation de ses couleurs.

J’ai beaucoup travaillé en négatif, mais j’ai soif d’images, je suis donc passé au numérique. Mais pour moi peu importe le support, numérique ou argentique. J’aime partager mon travail avec les autres, le numérique me permet de leur montrer directement les images. Je travaille en 24×36 avec des focales fixes, du 18mm au 85mm.

Je fais de la photo en trompe l’œil, j’aime déranger.

Tu travailles beaucoup sous forme de diptyque ou polyptique ?

J’affectionne particulièrement les diptyques car ils représentent la contradiction, le clair obscur. J’aime créer un dialogue entre mes photos.

© Fouad Maazouz
© Fouad Maazouz
Ces images ont-elles des légendes ?

J’évite de mettre des titres à mes photos, à chacun de créer son histoire ou sa légende, le spectateur est libre à imaginer !

Tu travailles essentiellement en couleurs, très saturées. Dans ces portraits recherches-tu l’effet plastique ? Ces images sont-elles destinées à être exposées en grand format ?

Je réalise aussi des travaux artistiques en noir et blanc pour les galeries ou les collectionneurs, limités à 2 ou 3 tirages.

Mes portraits sont esthétiques mais surtout hyper réels. Le numérique me permet de dépasser ce que je vois.

Quand au grand format, il y a des photographes qui pensent qu’il faut faire des photos de grande taille pour que cela soit beau. Je préfère les formats plus petits car il y a un rapport plus intime. En général je travaille en 30×40 ou en 50×70. Cependant j’ai un futur projet avec des images de 2m sur 1,20m.

Dans l’univers artistique marocain, on a constaté, à l’image du collectif 212, que les artistes sont pluridisciplinaires alliant photos, vidéos, performances et installations. La photographie semble être un médium comme un autre pour exprimer leur art. T’inscris-tu dans cette nouvelle tendance ?

Le collectif 212, je connais bien leurs travaux, certains sont même des amis. On est de la même génération, on a le même « background ».

Je m’intéresse à tout ce qui est Art contemporain. Tout le monde trouve le moyen d’exprimer son instinct à travers un médium artistique. Pour moi c’est la photo. Tout le travail que je fais ou que je ferai, est un portrait de moi-même.

Mais j’ai un futur projet de vidéo à partir de photographies. Un long projet, de la « vidéographie ».

Comment l’exposition « Regards (de) Marocains sur le monde » a-t-elle été montée ? Êtes vous un collectif ou est-ce un commissaire qui a choisi les photographes représentés ?

J’avais cette idée depuis longtemps de faire un carnet de voyage. J’avais des photographies de 8 pays. Le coordinateur de l’Institut Français de Casablanca m’a proposé de travailler sur le carnet de voyage. Il a rassemblé 5 photographes. C’est une très bonne expérience.

Je trouve que c’est ce qu’il manque à l’échelle africaine : des rencontres entre des jeunes photographes. C’est une bonne idée car on a des regards très différents.

Et puis cela donne de l’énergie aux jeunes d’ici pour voir l’ailleurs différemment.

© Fouad Maazouz
© Fouad Maazouz
Dans cette exposition, on voit que l’accent a été mis sur le fait que dans le cadre de leurs travaux photographiques les jeunes photographes ont l’occasion de voyager. Tu y présentes ton regard sur Berlin en2006/2007. Peux-tu nous raconter les travaux que tu as réalisés en fonction de tes déplacements (résidences ou expositions) ?

J’ai voyagé et exposé dans des endroits différents. Puis il y a eu « Regards (de) Marocains sur le monde » qui présente mon regard sur l’Allemagne.

Tu as énormément tourné dans les instituts culturels au Maroc (français, Italien, allemand, portugais,…), est-ce volontaire ou est-ce pour te faire connaître ?

Ce n’est pas pour me faire connaître mais il est vrai que c’est grâce à ces instituts qu’il y a la promotion de jeunes artistes. A partir de ces instituts, on est invité dans d’autres évènements. En plus ces projets font souvent le tour du Maroc et de pleins d’autres pays. Cela dépasse le terme d’Institut Culturel, c’est comme une école. Car lorsque nous sommes exposés nous représentons la culture de tout un pays et pas seulement notre travail personnel.

Aimerais-tu monter des projets en tant que directeur artistique ?

Avec le Goethe Institut, l’ambassade d’Allemagne et Arte, j’ai été directeur artistique du projet « Atelier Art contre la violence », workshop qui a été exposé à Casablanca sur la place Mohamed V, puis a fait le tour du Maroc.

Je pense faire des ateliers en photographie numérique dans des institutions. Mais parfois je fais ça aussi tout seul. Je sensibilise les jeunes à travers des ateliers photos ou encore via Internet.

Je veux développer des cours de photo, en langue locale « Dariga ».

As-tu déjà pensé à te présenter aux Rencontres Africaines de la Photographie ou cet évènement n’est pas dans tes objectifs ?

J’ai envoyé ma candidature il y a deux ans. J’ai entendu que c’était un circuit fermé.

Pour l’édition 2007 j’ai déposé mon dossier au siège de Cultures France. On verra !

Autoportrait © Fouad Maazouz
Autoportrait © Fouad Maazouz
Estimes-tu qu’il est difficile actuellement d’être exposé à l’étranger en dehors du label marocain, méditerranéen, ou africain ? Finalement es-tu représenté comme un photographe international ?

Pour le moment je suis confronté à cette problématique. Je suis un photographe marocain. L’artiste est aussi un ambassadeur de son pays. Ce n’est pas un plaisir, mais une mission. Avoir une identité, cela te diffère des autres personnes.

Quelle est ton actualité ?

Pour la fin 2007, mon travail est présenté dans différents pays. Les dates seront annoncées sur mon site.

Galerie Crous des Beaux Arts, Paris, France

Centre Dizengoff, Tel-Aviv, Israël

Galerie Le Pont, Alep, Syrie

Bibliothèque Alexandrie, Egypte

Galerie Beyoglu, Istanbul, Turquie

Institut Culturel Italien, Tunis

Librairie nationale, Algérie

12ème édition du Salon national de la photographie, Fès, Maroc

La Villa des Arts, Rabat, Maroc

Goethe Institut, Rabat, Maroc

Institut Français, Rabat, Maroc

Exposition dans plusieurs pays à l’occasion du projet Regards Croisés : Chypre, Grèce, Malte, Slovénie, Jordanie, Liban, Palestine puis dans tous les états membres de l’Union Européenne.

En savoir plus :

www.fouadmaazouz.com
– Contact : maazouz@gmail.com