L’Afrique du Sud en noir et blanc

Nelson Mandela in his Law Office, 1952, imprimé en 2007. Avec l'aimable autorisation de la Galleria L'Ariete artecontemporanea, Bologna © Jürgen Schadeberg
Nelson Mandela in his Law Office, 1952, imprimé en 2007. Avec l’aimable autorisation de la Galleria L’Ariete artecontemporanea, Bologna © Jürgen Schadeberg
La vie dans les quartiers blancs et les townships où vivent les Noirs, les productions musicales des années 1950, des personnalités extraordinaires, comme Miriam Makeba : tels sont les thèmes et les sujets des superbes photos en noir et blanc de l’artiste Jürgen Schadeberg , exposées à la Galerie Ariete à Bologne, jusqu’au 25 février 2009.

Schadeberg est né à Berlin en 1931. Il commence sa carrière de photographe comme stagiaire pour une agence de presse allemande de Hambourg. En 1950, Jürgen part s’installer en Afrique du Sud. Il y devient photographe en chef, éditeur d’images et directeur artistique du légendaire “Drum Magazine”. C’est dès cette époque – les années 1950 – qu’il se met à immortaliser des moments clés de la vie des Sud-Africains. Des photos qui illustrent la vie culturelle et le combat des Noirs pendant l’apartheid. Les portraits réalisés sont ceux de personnalités historiques, comme Nelson Mandela, Walter Sisulu, Yusuf Mohammed Dadoo, Father Trevor Huddleston…


Schadeberg est reconnu comme l’une des stars de la photographie internationale depuis la seconde moitié du XXe siècle. Témoin d’une période historique unique, il en photographie des moments et des dates clés comme la campagne de désobéissance civile de 1952 et les funérailles de Sharpeville en 1960. A l’aide de photos poignantes, il a également documenté la destruction de Sophiatown, le township de Johannesburg qui était le symbole de la culture noire (dans le domaine des arts, de la politique, de la religion et des loisirs) dans les années 1940 et 1950. En février 1955, ses habitants furent déplacés sur un nouveau site, à une vingtaine de kilomètres du centre. Ils tentèrent de résister pacifiquement. Le gouvernement fit démolir Sophiatown vers la fin 1963. Le quartier fut entièrement reconstruit et rebaptisé Triomf (triomphe en afrikaans). Il allait être réservé exclusivement aux blancs.

En 1964, Schadeberg quitte l’Afrique du Sud pour Londres. Dans les années 1960 et 1970, il travaille comme reporter-photographe en Europe et aux Etats-Unis, pour une série de magazines prestigieux. Avant de rentrer en Afrique du Sud, en 1985, Jürgen a vécu à Londres, en Espagne, à New York et en France. Les photos prises au cours de cette période relèvent à la fois du documentaire social et de l’abstraction moderniste.

“Lorsque je suis arrivé en Afrique du Sud, en 1950, venant d’Allemagne”, écrit Schadeberg, “j’ai été frappé par la coexistence parallèle de deux sociétés qui ne communiquaient absolument pas entre elles.”

“C’est comme si un mur invisible avait été érigé pour séparer deux univers. Celui des noirs – ou non-européen pour reprendre les termes de la communauté blanche – était culturellement et économiquement rejeté par l’univers des blancs, dans lequel seuls les domestiques et les serviteurs noirs pouvaient pénétrer.”

“Dans les années 1950, la société noire est devenue très dynamique, tant sur le plan culturel que sur le plan politique alors que la société blanche me semblait isolée, repliée sur elle-même – une société coloniale ignorant l’autre monde.”

“Nouveau venu et étranger à ces deux communautés, je passais sans trop de difficulté d’un monde à l’autre, par exemple, le soir, il m’arrivait de photographier un bal masqué blanc, au City Hall, et le lendemain, une manifestation de désobéissance civile de l’ANC.”

Schadeberg a exposé dans des musées et des galeries du monde entier. Ses photos font aussi partie de collections de prestigieuses institutions comme La Maison Européenne de la Photographie à Paris et le Victoria & Albert Museum à Londres.

Sandra Federici

cf article publié dans l’édition n°IX du Courrier ACP

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