Au « 220 »

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Pour cette dernière, nous vous proposons une visite de la plus petite des résidences « U » abidjanaise. Là, nous y resterons, le temps de découvrir le produit « G&D ». Nous terminerons notre séjour  »campussien » avec « un aîné », Emmanuel.

VISITE GUIDEE

La petite cité des 220

Avec ses 82 chambres, la cité des 220 logements est de loin la plus petite des résidences universitaires d’Abidjan. Visite des lieux.

Une cité inconnue…

Situé au cœur d’Adjamé (quartier des gares routières d’Abidjan), la cité « U » des 220 logements (du nom du quartier) est inconnu- des étudiants comme de la population. Quasiment dissimulé par les immeubles alentours, sa population avoisine les 300 habitants ; un nombre largement inférieur aux autres (environ 3000 à Mermoz et près de 10 000 au grand Campus). Loin des facultés, et moins peuplée, « c’est une cité paisible », soutient Jean-Claude, l’un des résidents. Pour lui et ses amis, la cité des 220 logements n’a rien à envier aux autres. Sa position stratégique (près du Commissariat du VIIème arrondissement) est d’ailleurs une garantie sécuritaire.

Mais non moins « cité U’» que les autres !

L’accès, un petit portail. l’unique. A gauche, se trouvent la salle d’étude…devenue progressivement une salle de repos. Les tableaux ne sont plus fonctionnels, les tables-bancs sont pratiquement tous affaissés. Les quelques rares étudiants qui y viennent, sont obligés de s’adapter. Ils ont dû se fabriquer un tableau artisanalement à l’aide de ciment et de peinture noire. Un peu plus loin, un espace ouvert a été aménagé sous l’ombre du manguier du coin. L’on devine aisément la qualité d’un repos sous une telle ombre.

Cette cité se compose de 2 bâtiments : un de 3 étages et l’autre de 2. On y dénombre exactement 82 chambres dont 76 occupées effectivement par les étudiants ; les 6 autres par la conciergerie et la direction locale du CROU – A (Centre régional des Œuvres Universitaires d’Abidjan). Cela, c’est sans compter les 2 buanderies qui ont été transformées en chambre à coucher pour accueillir des étudiants demandeurs.

Sur les portes, sont fixées différents gadgets qui laissent entrevoir un aspect de la personnalité de leurs propriétaires. Sur cette porte par exemple, un crucifix  fait penser à la chambre d’un catholique ; sur une autre, le poster géant de DROGBA ; c’est probablement un supporter passionné de l’icône nationale. Ici, comme ailleurs, certains paliers sont nommés tel le fameux « PALIER ROYAL »…

Au rez-de-chaussée, la salle de télé. « Il y a affluence les jours de matchs de foot », explique notre guide. Cette affluence connaît un engouement particulier lors des rencontres opposant les clubs de Chelsea  et du Barça. « Ces jours-là, la salle, pleine à craquer, se divise en 2 blocs réservés chacun aux supporters des 2 clubs », poursuit-il. La règle : respecter scrupuleusement la ligne de démarcation ainsi constituée…L’on peut même voir les indications « CHELSEA » ET « BARCELONE » sur le mur. Pourvu que l’esprit fair-play soit respecté !

Comme à Mermoz, nous montons « sur la dalle ». Là, des étudiants s’épilent ou discutent tranquillement. « Ce lieu, pendant la saison sèche, devient un dortoir à cause de la chaleur qui devient insupportable dans les chambres », apprend-t-on. Il sert aussi de séchoir.

De cette position, l’on apprécie mieux tout l’espace environnant : des footballeurs s’entraînent sur le stade Jean Delafosse voisin.

Responsable de l'environement de la Cité U des 220 à Adjamé © Camille Millerand
Responsable de l’environement de la Cité U des 220 à Adjamé © Camille Millerand

Cité U des 220 à Adjamé, Salle d'étude © Camille Millerand
Cité U des 220 à Adjamé, Salle d’étude © Camille Millerand

Cité U des 220 à Adjamé © Camille Millerand
Cité U des 220 à Adjamé © Camille Millerand

« VRAI GOMBO »

Le restaurant de « G&D »
Elles sont sœurs et tiennent depuis le mois de septembre un restaurant plein air. Comme les autres étudiants, c’est leur « gombo » (leur petit job d’étudiante). Un petit job qui n’en a plus l’air tant il a pris de l’ampleur. D’un simple « gombo », elles sont passées à un « vrai gombo » c’est-à-dire un emploi presqu’à plein temps…

Un projet « de sœurs »…

Gwladys et Danielle. Elles, ce sont les sœurs YOBO. Elles sont toutes 2 étudiantes, élèves-ingénieurs en Marketing dans un établissement de la place. Leur passion, c’est la cuisine. Elles ont ouvert  un « restaurant » ; une façon d’exercer leur passion tout en y ajoutant une dose de leur formation !

« En fait, c’est l’oisiveté qui nous a poussé à entreprendre ce commerce », relate Danielle. « Les jours libres, on restait en chambre à s’ennuyer devant la télé », poursuit-elle. « Puis, un jour, nous nous sommes dit pourquoi ne pas faire du commerce. Nous avons trouvé l’idée bonne…et nous avons lancé le resto de G&D pour différencier d’avec la marque D&G », intervient Gwladys.

Tous les matins, entre 6 h et 9 h, installés devant la petite cité des 220 logements, l’on pouvait les voir vendre avec beaucoup d’enthousiasme ces beignets. Des beignets qu’elles confectionnaient elles-mêmes. Quelques semaines plus tard, elles se laissent gagner par la routine. « ça devenait de plus en plus monotone », se défendent-elles. Elles décident de changer de « produits ». La nouvelle trouvaille : l’alloco (plat traditionnel ivoirien à base de bananes plantain frites). A peine un mois d’exercice…qu’elles doivent encore changer. Motifs évoqués : la cherté de l’huile et de la banane.

Elles se tournent donc vers les « plats de résistances ». Ici, le menu est imposé. « Nous proposons chaque soir un nouveau plat, du moins une nouvelle sauce », précisent-elles. « Aujourd’hui (vendredi 11 décembre 2009), par exemple, nous avons prévu de faire de la sauce graine accompagné en général de riz ». Pour cette sauce particulièrement délicate, elles ont dû commencer la préparation plus tôt que d’habitude. Dès 10 h, les graines avaient été mises au feu.

Et ambitieux

Elles semblent avoir trouvé leur voie. En effet, elles s’y sentent bien surtout que « petites, nous aimions bien nous amuser en préparant ». A côté de ce fait, l’on peut dire que la restauration est rentable – 30 à 40 % de bénéfice les jours ouvrables  et jusqu’à 80% le week-end » !- dans la mesure où elles réussissent à vivre sans « attendre grand’ chose des parents ».

Elles réfléchissent en ce moment à une stratégie qui leur permettra à toutes les 2 de poursuivre le commerce tout allant au cours. « La solution que nous avons trouvée, c’est que l’une de nous s’inscrira pour les cours du soir tandis que l’autre restera aux cours du jours », répond Gwladys. « Cela nous permettra de nous relayer », renchérit Danielle. Elles n’excluent pas non plus la possibilité d’ « embaucher quelqu’un pour les aider » déjà qu’elles en ont une.

Pour Gwladys et Danielle, l’aventure continue car elles n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin. Alors, ne soyons pas étonnez si un de ces jours, elles étaient reconnue… par le guide Michelin !

G and D, restauratrice à la cité U d'Adjamé. Portrait de Danielle et Gladys, 2 soeurs qui ont monté leur restuarant au 220 à Adjamé © Camille Millerand
G and D, restauratrice à la cité U d’Adjamé. Portrait de Danielle et Gladys, 2 soeurs qui ont monté leur restuarant au 220 à Adjamé © Camille Millerand

G and D, restauratrice à la cité U d'Adjamé. Portrait de Danielle et Gladys, 2 soeurs qui ont monté leur restuarant au 220 à Adjamé © Camille Millerand
G and D, restauratrice à la cité U d’Adjamé. Portrait de Danielle et Gladys, 2 soeurs qui ont monté leur restuarant au 220 à Adjamé © Camille Millerand

PORTRAIT

L’aîné Emmanuel

C’est un aîné. Inscrit en thèse, il fait partie du cercle des doyens de la cité. Entre son « cyber », sa thèse et le basket, il n’a pratiquement pas le temps. Portrait.

Son cyber

Ouvert depuis seulement 1 mois, le cyberespace d’Emmanuel fait déjà parler de lui. « Le meilleur cyber sur le Campus en ce moment », affirme un étudiant. Pour un autre rencontré sur les lieux, « le grand nombre de postes » (20) participe de cette notoriété.

« Ce projet est parti d’un constat général », explique –t-il. « En Côte d’Ivoire, seul 1 foyer sur 10 a accès à l’internet. M’étant rendu compte de la grande capacité de consommateurs que regorge le Campus, j’ai donc décidé, avec l’aide d’un parent, d’y investir ». Ce sont près de 6 millions de FCFA (10 000 euro) qui ont été investis dans ce projet.

« Cela n’a pas été facile. Cette salle était dégradée. L’eau coulait de partout », raconte-t-il. Mais voyant « au-delà de son nez », il s’est engagé. « J’ai financé entièrement la réparation des fuites d’eau du bâtiment», avance-t-il. Il a ensuite mené une campagne de sensibilisation sur le bâtiment (le E), expliquant aux étudiants la nécessité de prendre soin de ces installations, de ne pas laisser non plus les fuites d’eau s’aggraver. « Je crois que cela a marché », se réjouit-il.  Toutefois, il a pris le soin de parer à toute éventualité. Sous le toit, il a, avec l’aide de son plombier, prévu tout un dispositif d’évacuation des fuites d’eau de sorte à ce qu’elles ne puissent plus inonder la salle.

Dans son cyber, il emploi 5 personnes : 2 chargés de la maintenance et 3 gérants qui se relaient tous les jours jusqu’à 2 h. Il espère pouvoir générer des revenus qui lui permettront d’achever « tranquillement » ses études.

Les neurosciences, une filière mal outillée

Il étudie les neurosciences. Cela fait 4 ans qu’il est inscrit en thèse. Ce retard, il le doit à la défaillance, du moins, au manque de « matériels de recherche ».

Ses travaux portent sur « l’influence alcoolique sur la mémoire des élèves » ivoiriens. Ce thème est une suite de son mémoire de DEA (Diplôme d’Etudes Approfondies) où il traita les effets du « koutoukou » (boisson traditionnelle alcoolique  à forte dose) sur le cerveau ; un thème qu’il a dû accepter en fonction de la disponibilité du matériel, qui aujourd’hui est défaillant. « C’est l’un des grands problèmes de notre système. L’autre, c’est la mauvaise foi des devanciers qui acceptent difficilement de partager leurs « gombos » d’enseignants avec des étudiants devenus aussi enseignants. C’est triste », déplore-t-il.

Il attend d’avoir un peu de sous avant de poursuivre ses recherches. « J’ai besoin d’environ 200 000 FCFA (300 euros). L’appareil, en question, j’ai pu en trouver au CHU de Treichville ; mais là-bas, ils ne font que des analyses de 20 min à 20 000 (30 euros). Alors que moi, j’ai besoin de plus d’1 h de travail », relève-t-il un peu déçu.

Emmanuel n’est pas néanmoins du genre à se décourager. Il garde espoir, et ambitionne, après sa soutenance,  de rendre public ses travaux de recherches « afin d’en faire bénéficier le maximum de personnes ».

Sportif

Anciennement joueur professionnel de l’AUC (Abidjan Basketball Club), il occupe depuis la saison 2008, le banc du club universitaire.

Pour Emmanuel, « le basket, au plan local, est mort ». « L’absence de sponsors a fini par tuer le peu d’engouement qui restait », se défend-t-il. Au niveau des clubs, il y a aussi la mauvaise gestion qu’il faut noter.

A l’AUC, c’est encore pire. « Les joueurs ne perçoivent pratiquement plus de primes », dénonce-t-il. Il se bat, selon ses moyens, pour les encourager à rester car « il vaut mieux qu’il dépensent leur énergie positivement ». Il envisage, par ailleurs, monter une ONG de lutte contre la drogue dans le sport.

Emmanuel, à l'origine du Cyber café Batlhazar. Ancien Campus de cocody © Camille Millerand
Emmanuel, à l’origine du Cyber café Batlhazar. Ancien Campus de cocody © Camille Millerand

Emmanuel, à l'origine du Cyber café Batlhazar. Ancien Campus de cocody © Camille Millerand
Emmanuel, à l’origine du Cyber café Batlhazar. Ancien Campus de cocody © Camille Millerand

Emmanuel, à l'origine du Cyber café Batlhazar. Ancien Campus de cocody © Camille Millerand
Emmanuel, à l’origine du Cyber café Batlhazar. Ancien Campus de cocody © Camille Millerand