Entre découvertes et expériences

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Cette semaine, nous vous proposons de découvrir le « métier » insolite de graveur de sons. Nous irons aussi à la rencontre d’un jeune père de famille qui sans faux fuyant nous fait part de son expérience. Vous pourrez également vous imprégner des préparatifs d’un événement historique car sans précédent, le « Gala de la Jeunesse Ivoirienne » qu’organise l’AIAS. Nous terminerons par une incursion dans la réalité d’une « fratrie de quatre sœurs » partageant la même chambre.

GOMBOS OU PETITS METIERS | Graveur de sons

Vous pensez sûrement à cet appareil à laser permettant d’inscrire des données sur un CD, un cédérom ou un DVD ? Que nenni ! Le « graveur » dont il s’agit ici n’est autre qu’un « métier ». Une « corporation » très présente sur le Campus et qui n’est pas l’apanage des seuls étudiants !

Claude est présent sur le Campus de Cocody depuis 1999. Il a été témoin des grands changements qui ont eu lieu sur la « grande cité » de Cocody. Changement numérique également. Son activité, est celle de « graveur de CD » ! Un « métier à risque » quand  on sait le combat que leur mènent les artistes. Mais pour Claude, c’est la principale, voire l’unique source de revenus.

Chaque matin, il se rend à son stand situé à la célèbre place « Bazaré ». Là, sont installés ses deux ordinateurs. Des machines à l’aide desquels il exerce. Les services offerts sont variés : le transfert de tubes musicaux sur CD ou DVD (ou la « gravure »), la « conversion » des cassettes de type VHS en CD ou DVD. Il y a aussi le transfert de sons, d’images, et autres clips vidéo de l’ordinateur vers les téléphones portables et le montage de films vidéo.

Un job qui nourrit

A 28 ans, et sans aucun soutien car orphelin, il a réussi, grâce à ce job, à être indépendant – et même prendre en charge deux de ses frères qui sont étudiants. « Auparavant, j’étais sous la tutelle d’un ami qui est aujourd’hui à la PJ (Police Judiciaire). Il avait un salon de coiffure dont j’avais la gestion », explique-t-il. Plus tard, cet ami quitte le Campus. Le salon lui revient. Il essaie de continuer la coiffure. Mais, il finit par se lasser.  « Ça ne marchait plus comme avant. Le prix est tombé à 100 FCFA par tête. Pour avoir 3 000 FCFA (environ 6 euros), il fallait coiffer 30 têtes et puis c’est un job épuisant ! », raconte-t-il.
Il se tourne alors vers la gravure. Un investissement d’environ 200 000 FCFA (300 euros) lui permet d’acquérir des ordinateurs d’occasion et du mobilier. Sans grande formation – il a dû abandonner très tôt  les cours en raison de la maladie de son père – il se lance dans le métier. « J’ai appris sur le tas. Souvent, mon petit frère me donnait quelques cours », confie-t-il. Les premières recettes lui donnent raison.  3000 FCFA! C’est le gain journalier minimum.

Aujourd’hui, il a d’autres projets dont celui de présenter le concours de police. Le hic, c’est qu’il n’a pu obtenir le BEPC (Brevet d’Etudes du Premier Cycle). Aussi, envisage-t-il de le présenter en candidat libre…et donc de retourner dans les livres !

Claude, monteur-graveur. Sa boutique est située Place Bazaré sur le campus de Cocody © Camille Millerand
Claude, monteur-graveur. Sa boutique est située Place Bazaré sur le campus de Cocody © Camille Millerand

Claude, monteur-graveur. Sa boutique est située Place Bazaré sur le campus de Cocody © Camille Millerand
Claude, monteur-graveur. Sa boutique est située Place Bazaré sur le campus de Cocody © Camille Millerand

PORTRAIT | Pollack, « papa de Christo’ »

ZAGBADI Pollack est un « vié père » (expression populaire découlant de vieux père signifiant un ainé) A 30 ans, il réside encore sur le Campus ; une situation qui ne le réjouit point.

Un père de famille débrouillard

« Papa de Christo’ ». Sur son palier, c’est ainsi qu’on le désigne affectueusement en allusion à son fils. Christ, c’est le prénom de son garçon de presque 2 ans. « Il aura 2 ans en février 2010 », révèle-t-il. Avec sa compagne Patricia qui est elle-même étudiante, il partage sa petite chambre d’étudiant. « Cette situation, avoue-t-il, ne me réjouit pas. Mais il m’a fallu prendre mes responsabilités». Toutefois, il n’envisage pas s’éterniser et espère pouvoir se pendre un  logement plus spacieux en 2010.

Depuis 2003, il assure la gestion de la plus vieille auto-école du Campus. Un coup de pouce de son frère aîné. « Lorsqu’en 2003, il devait quitter la cité, il me confia la gestion de cette auto-école qu’il avait monté en partenariat avec une autre en ville. Mon rôle consiste à superviser tout : les comptes, le bon déroulement des cours etc », précise t-il.

Orphelin et appartenant à une fratrie de dix enfants, il a dû, dès son arrivée sur le Campus en 2001, « apprendre à se débrouiller ». « J’ai commencé par des CD (Cours à domicile). Ensuite des cours du soir », se souvient-il. Aujourd’hui, il est titulaire d’une maîtrise en philosophie. Avec ce diplôme, Pollack dispense des cours particuliers de philosophie à l’épouse de l’Ambassadeur du Gabon en CI. Son revenu avoisine 90 000 FCFA (140 euros) en fin de mois.

Entrepreneur dans l’âme

Cet argent, il décide de l’épargner et de l’investir. Il s’achète un congélateur et se lance dans la vente de jus de fruits. « J’ai été le premier sur la cité à vendre du  »Tampico » (jus d’orange en sachet de 50 cl)», affirme-t-il fièrement. Le « Tampico » semble tourner à merveille. Il s’attachera même les services de trois revendeurs pour l’écoulement de ses stocks. Une petite entreprise ! Puis, viens la période difficile. Les livraisons ne sont font plus à temps et le marché est de plus en plus investi par des concurrents. Ils décident donc de changer de business.

Il se tourne vers l’informatique qu’il apprend sur le tas. Les traitements de textes et les impressions sont les services qu’il propose. Avec cela, il réussit à vivre. Jusqu’à ce qu’arrive l’épisode actuel de l’auto-école. Un véritable parcours du combattant. Mais « Papa de Christo’ ».  n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. Il prévoit s’ouvrir sur d’autres business encore plus florissant. « Je prévois acheter des broyeuses pour moudre le manioc et les céréales», projette-t-il.

Son club et ses autres projets

Pollack, c’est aussi un Président. Il dirige la section Judo de l’AUC (Abidjan Université Club). Les soirs, entre 19h et 21h, il rejoint ses athlètes à l’entraînement. « Cette expérience à la tête de la section, soutient-il, m’a beaucoup appris. Gérer les hommes, c’est différent de gérer l’argent». Il ne lui reste plus que pratiquement 6 mois. Son mandant prend fin en juin 2010. En attendant, il « ne  lâche pas » et poursuit sa marche. Il continue, par ailleurs, de postuler également aux concours de la fonction publique.

Pollack vit dans le Batiment E de l'ancien campus de Cocody avec sa femme et son enfant. Il gère la principale auto-école du campus © Camille Millerand
Pollack vit dans le Batiment E de l’ancien campus de Cocody avec sa femme et son enfant. Il gère la principale auto-école du campus © Camille Millerand

Vue depuis le pallier de Pollack. Il vit dans le Batiment E de l'ancien campus de Cocody avec sa femme et son enfant. Il gère la principale auto-école du campus © Camille Millerand
Vue depuis le pallier de Pollack. Il vit dans le Batiment E de l’ancien campus de Cocody avec sa femme et son enfant. Il gère la principale auto-école du campus © Camille Millerand

Pollack vit dans le Batiment E de l'ancien campus de Cocody avec sa femme et son enfant. Il gère la principale auto-école du campus © Camille Millerand
Pollack vit dans le Batiment E de l’ancien campus de Cocody avec sa femme et son enfant. Il gère la principale auto-école du campus © Camille Millerand

VIE ASSOCIATIVE | L’AIAS ou le souci du développement

L’AIAS, c’est l’Association Internationale Afrique Survie. Apolitique, elle est composée de jeunes –des étudiants pour la plupart – épris de développement.

« A l’AIAS, on pense développement», selon Sylvère KOUAKOU, son Président-Fondateur. Le développement dans toutes ses formes. La culture, le bénévolat, l’auto-emploi, l’environnement, les Droits de l’Homme. Tout sauf la « politique politicienne», rejette-il.

Il y a trois ans que ce jeune étudiant en sociologie posait, avec des amis, les jalons de « son » projet. Aujourd’hui, ce sont exactement 141 jeunes (statistiques d’août 2009), qui ont adhéré à la structure. « Des membres actifs et non des sympathisants », précise-t-il fièrement.

Les acquis en 3 années d’existence sont remarquables. Au compte des actions notables, l’on a la première célébration ivoirienne de la journée mondiale de la jeunesse (en 2008), l’organisation depuis 2007 de l’Action Ecologique de la Jeunesse. Une activité organisée uniquement dans 5 pays africains. L’AIAS impute à ses actions la participation bénévolement à des activités d’intérêts publics tels les festivités commémorant le soixantième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (en décembre 2008). Ce qui leur a valu une reconnaissance en tant qu’association citoyenne par le Ministère de la Jeunesse.

Le Gala de la jeunesse Ivoirienne

L’évènement en préparation à l’AIAS, c’est le « Gala Annuel de la Jeunesse Ivoirienne » prévu pour le 12 décembre 2010. Lancé pour la première fois en 2008, il n’a pu se tenir faute de moyens. Cette année, c’est presqu’une certitude. Le gala aura lieu malgré quelques difficultés relevées de part et d’autre.

Pour Sylvère et ses amis, ce sera l’occasion de rendre hommage à des personnalités qui constituent, par leur exemple courageux de réussite, des modèles pour la jeunesse ivoirienne. Seront aussi primées les personnalités dont les actions de développement ont prises en compte la jeunesse. Ils en profiteront pour démontrer leur savoir-faire puisque « tout sera l’affaire des jeunes de l’AIAS. »

Réunion de l'AIAS dans la salle d'étude de la cité U de Mermoz. Bureau de l'AIAS: de gauche à droite: Sylvère Kouakou, Nehemie M'Boké, Zirignon Samuel, Dro Soumahoro, Troupah Yannick Alain © Camille Millerand
Réunion de l’AIAS dans la salle d’étude de la cité U de Mermoz. Bureau de l’AIAS: de gauche à droite: Sylvère Kouakou, Nehemie M’Boké, Zirignon Samuel, Dro Soumahoro, Troupah Yannick Alain © Camille Millerand

Réunion de l'AIAS dans la salle d'étude de la cité U de Mermoz © Camille Millerand
Réunion de l’AIAS dans la salle d’étude de la cité U de Mermoz © Camille Millerand

VIE EN CHAMBRE | Le quotidien à quatre

Elles sont quatre et partagent depuis plus de deux mois la même chambre.
Toutes étudiantes ou presque toutes. Donalde – absente lors de notre passage – et Parfaite sont inscrites en année de maîtrise au département d’Histoire. Bernadette prépare, elle aussi, une maîtrise, mais en Philosophie. Félicité, quant à elle, a déjà obtenu son diplôme et recherche ardemment un emploi.

A l’origine de ce brassage : la grande opération des admissions et réadmissions en cité « U ». Une opération qu’organise tous les deux ans la direction des logements du Centre Régional des Œuvres Universitaires (CROU). C’est la période de traitement des nombreuses demandes d’admission en cité « U ».

Cette année, Parfaite et Bernadette sont chanceuses quand on sait qu’« il n’est pas aisé d’être admis en cité ». Elles se verront ainsi attribuer chacune le numéro 188 du Bâtiment D de Mermoz. A Mermoz, c’est ainsi. Les chambres sont prévues pour recevoir deux personnes. C’est donc le premier contact en les deux co-locatrices. Suivront Donalde et Félicité, leurs « sœurs ».

Après leur admission en cité, elles ont décidé, chacune de faire appel à leurs amies. Ainsi, Parfaite et Donalde partagent-elles le même lit ; Bernadette et Félicité de même. Dans cette pièce d’environ 30 m2, elles n’ont pas l’air d’étouffer. Elles ont réussi à s’adapter au point qu’elles ne rentrent pratiquement plus en famille.
Pour ces filles néanmoins, le quotidien en résidence universitaire reste « pénible ». « Surtout le côté financier », insiste Félicité qui paraît la plus ancienne sur les lieux. En effet, elle y vit de façon régulière depuis 2005. «Cela est d’autant plus difficile car en cité, il faut tout acheter. Le savon, la nourriture…», renchérit Parfaite.

« C’est pourquoi chacune a au moins une activité qui lui permet de tenir », explique Bernadette. « Nous vendons des jus de fruit, de la glace, du parfum, du papier hygiénique, du javel. Moi particulièrement, je donne aussi des cours à domiciles (CD) », poursuit-elle.

Elles s’accrochent tant bien que mal même si elles n’envisagent pas s’éterniser. « En cité, on apprend à être indépendant, à gérer ce qu’on gagne…à affronter la vie », répond Félicité quand on lui demande ce qu’elle retient de son passage à Mermoz. Les autres sont du même avis. « On apprend aussi à connaître l’autre », ajoute Bernadette.

Aujourd’hui, vivre à quatre comme ces filles, dans une pièce prévue pour deux, est un fait courant sur les campus ivoirien. On peut y rencontrer des chambres de six, huit voire plus (en général chez les garçons).

BERNADETTE (gauche), FELICITÉ milieu) et PARFAITE vivent partagent une chambre à la cité U J.Mermoz © Camille Millerand
BERNADETTE (gauche), FELICITÉ milieu) et PARFAITE vivent partagent une chambre à la cité U J.Mermoz © Camille Millerand

(à gauche) Chambre de Bernadette, Félicité, Parfaite et Donald Batiment D. Cité U J.Mermoz / (à droite) Bernadette et Parfaite (second plan) partage la même chambre © Camille Millerand
(à gauche) Chambre de Bernadette, Félicité, Parfaite et Donald Batiment D. Cité U J.Mermoz / (à droite) Bernadette et Parfaite (second plan) partage la même chambre © Camille Millerand

Pour assurer leur quotidien les filles vendent du parfum, des blocs de glace et du papier higyènique © Camille Millerand
Pour assurer leur quotidien les filles vendent du parfum, des blocs de glace et du papier higyènique © Camille Millerand