Chroniques dakaroises : portrait(s) de la contestation

19 mars 2000. Abdoulaye Wade accède à la présidence de la République du Sénégal au terme d’une alternance saluée par tous. L’élection de l’opposant historique, un bouillant avocat, met fin à quarante ans de régime socialiste. Douze ans plus tard, la déception est à la hauteur des espérances. Les promesses du « Sopi » (« le changement » en wolof) sont loin. Confrontées au chômage de masse, à l’envolée du coût de la vie, aux innombrables coupures d’électricité et aux inondations, les populations déchantent. La pirogue Sénégal navigue en eaux troubles. Les scandales politico-financiers, la gabegie et l’omniprésence du clan Wade exaspèrent. Au lendemain de sa réélection en 2007, Abdoulaye Wade explique avoir « bloqué » le nombre de mandats à deux. « Je ne peux pas me représenter, dit-il. La Constitution me l’interdit. » Deux ans plus tard pourtant, il annonce son intention de briguer un troisième mandat. « Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis, justifie Wade. Ma waxoon waxeet (« Je l’ai dit, je me dédis »). « Gorgui » (« le vieux » en wolof), 86 ans, est soupçonné de s’accrocher au pouvoir pour permettre à son fils Karim, honni des Sénégalais, de lui succéder.
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Mais, trop c’est trop. La tentative de coup d’Etat constitutionnel du 23 juin dernier met le feu aux poudres. Alors qu’une Assemblée nationale aux ordres s’apprête à voter un texte visant à faire réélire Wade en compagnie d’un vice-président avec seulement 25% des suffrages, des émeutes éclatent et obligent le président à reculer. Les jeunes du mouvement « Y en a marre », emmené par des rappeurs et un journaliste, sont en première ligne. Unis depuis les Assises nationales, une grande consultation citoyenne réalisée en 2008-2009 dans le but de trouver des solutions consensuelles aux problèmes du pays, partis d’opposition et organisations de la société civile se joignent à la lutte. Ensemble au sein du M23, créé sur les décombres encore fumants de cette journée de révolte, ils réclament le retrait pur et simple de la candidature d’Abdoulaye Wade. À l’approche du premier tour de l’élection présidentielle, prévu le 26 février prochain, la situation est explosive.

À travers les portraits de neuf citoyens, personnalités en vue et simples anonymes, le photographe Camille Millerand et le journaliste Simon Maro décrivent l’Alternance et dressent le portrait de la contestation au Sénégal.

Retrouvez nous chaque mardi et jeudi jusqu’au vendredi 24 février pour découvrir ces différents portraits.