La fuite des cerveaux africains

La fuite des cerveaux, qui est une forme d’émigration, est un phénomène qui frappe toute l’Afrique. Il pose un sérieux problème pour le développement du continent.

Chaque année, de nombreux étudiants africains quittent le continent pour aller poursuivre leurs études à l’étranger, plus précisément en Europe. Malgré différents critères d’obtention de visa, qui tiennent compte plus des ressources financières que du projet d’étude de l’étudiant, plusieurs parviennent à effectuer ce saut. D’autres sont écartés faute de moyens financiers. Ces étudiants, pour la plupart d’entre eux n’ont pas d’autre choix que de partir à l’étranger, en raison de l’accès restreint aux universités nationales, à la médiocrité de la qualité de l’éducation ou encore au manque de variété dans les choix des filières proposées.

Une formation hautement qualifiée en Europe est une chance pour la jeunesse de revenir au service de son pays d’origine. Mais, une fois le diplôme en main, retourner en Afrique à la fin de ses études devient une décision difficile à prendre, compte tenu des conditions de vie dans les pays d’accueil comparées à celles en Afrique.

La plupart d’entre eux sont des chercheurs, des informaticiens, des médecins, des personnels hautement qualifiés. Ils choisissent de rester et de continuer leur vie dans les pays d’accueil plutôt que de repartir dans leur pays d’origine. Ce phénomène entraîne une grave carence pour le continent sur le plan de retour des personnes qualifiées.

l’Afrique se vide de sa matière grise et de ses compétences. Certains pays d’Europe ou d’Amérique se sont lancés dans la publicité pour faire immigrer chez eux les cerveaux africains : Le Québec avec l’immigration francophone par l’étude des fonds des dossiers, Les États-Unis par la promotion et la loterie de la Green-Card, l’Italie par l’apprentissage de la langue italienne. La fuite des cerveaux africains peut être considérée comme un frein à son développement.

Le chômage, le manque de bien-être social, le manque de bonne gouvernance, qui se traduit par le népotisme, le manque de mérite, le tribalisme dans certains pays font partie des causes qui font s’évaporer des centaines ou même des milliers de personnes. Celles-ci s’installent à l’étranger pour trouver des conditions de vie, de travail ou de rémunération qu’ ils ne trouvent pas dans leur pays d’origine. Abdeslam Marfouk, chercheur à l’université de Louvain qui travaille depuis plus de dix années sur la fuite des cerveaux africains estime que plus de dix pays africains ont plus de 40% de leur main-d’œuvre hautement qualifiée hors de leur pays . Et près d’un chercheur africain sur deux réside en Europe.

En somme, pour remédier à l’évolution de ce phénomène, une seule chose: c’est offrir un environnement favorable sur le plan de l’emploi, de la sécurité, et la bonne politique économique.

Il est 7h, l’heure d’aller au cours de médecine

© Bourges Naboutawo
© Bourges Naboutawo

Christian Lekesseu | Cameroun

Avant, l’Europe pour moi n’était pas une priorité. Après ma maîtrise en Informatique, j’espérais avoir un emploi dans une des différentes entreprises de la capitale, malheureusement ce n’était pas le cas. Pour ne pas perdre de temps, je me suis inscris en médecine à l’Università Politecnica Delle Marche en Italie, car dans mon pays ceux qui ont une chance d’obtenir un poste dans la fonction publique ce sont les médecins.

Une fois arrivée en Europe, l’Afrique n’est plus ma priorité. La question de rentrer au pays après l’obtention de mon diplôme n’est pas d’actualité. J’ai vécu 26 ans dans mon pays natal et je sais parfaitement ce que ça fait de vivre sans option. En Europe je peux travailler, avoir un contrat à durée indéterminé et poursuivre mes études en parallèle. Il y a la démocratie, la sécurité et même le service social. Les bonnes conditions de vie sont réunies et l’on oublie parfois d’où l’on vient. Ce sont des choses que nos dirigeants devraient imiter pour le bien-être du peuple.

Aimé Ndoundou | RDC

« Parfois on n’a pas d’autres choix que de rester en Europe. Je sais que ce n’est pas facile tous les jours surtout pour nous les extra-communautaires. Mais, par rapport aux difficultés que l’on rencontre dans nos pays d’Afrique, le chômage, les salaires médiocres, la santé, les mauvaises conditions des étudiants dans les faculté,… on se pose forcément la question du retour ?
Ici je travaille et en même temps je suis en Faculté de médecine. Je gagne pas mal ma vie et j’aide ma famille en Afrique. Par exemple, il y a deux mois, j’ai fait un transfert de 1500 euros à l’un de mes frères, afin qu’il exerce une activité commerciale, ma mère était contente et ça me plaît. Donc, si après mes études, je repartais au pays sans pouvoir offrir une vie meilleure à ma famille, cela n’aurait servi à rien. C’est pour cette raison que je n’ai toujours pas pris ma décision quand à mon retour au pays.

La transparence des cerveaux africains.

© Bourges Naboutawo
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Romeo | Cameroun

L’exode des cerveaux africains est un phénomène qui ne date pas d’aujourd’hui. Nos dirigeants africains connaissent bien les raisons qui ont motivées et qui motivent ces émigrés qualifiés d’aller et ne plus revenir, alors que font-ils pour remédier à cela ?
Dans la plupart des cas, nous retrouvons très souvent deux causes majeures : la rareté de l’emploi (cette rareté entrave les efforts de réductions de la pauvreté) et les salaires misérables. Je pense que si ces problèmes sont réglés, nous les médecins, infirmiers, enseignants, chercheurs, ingénieurs… nous aurons le vif désir de rentrer enfin à la maison et de nous mettre au travail. Il faudrait seulement nous donner la possibilité de nous épanouir convenablement en Afrique.

Diplômé à l’università politecnica delle marche

© Bourges Naboutawo
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Thésy Bieri

Après une licence en Biologie, j’ai souhaité poursuivre mes études en Europe pour avoir au moins un Bac + 5 en Biomédical. Car malgré ma licence, je me sentais inapte à trouver un emploi. De plus, bien que nous ayons des universités publiques et privée, les Entreprises et même l’Etat accordent peu de valeur aux diplômes du pays et d’avantage aux diplômes Européens. Aujourd’hui je suis fière d’être dans l’une des grandes Universités de l’Italie, j’aurai mon diplôme Européen, « I docenti sono bravi » comme on dit.
Cela me rassure pour mon futur d’avoir un bon poste et un bon salaire. Si seulement les conditions dans nos Universités étaient merveilleusement réunies et qu’il y avait des promesses d’embauches comme ici en Europe, on ne parlerait pas de la fuite des cerveaux africains. Cela existe parce que nous trouvons mieux ailleurs.

Étudiant en Gestion industrielle, surnommé grand prêtre à cause de ces multiples heures de travail.

© Bourges Naboutawo
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Boris Malela

J’ai assisté à plusieurs débats concernant la fuite des cerveaux africains, à la télé, à la radio, sur internet… L’incapacité de nos dirigeants à créer les conditions minimales pour le développement de nos pays d’Afrique pousse les étudiants et le personnel hautement qualifié à rester en Occident. Pourtant, il existe plusieurs solutions à mettre en place contre ces fuites. Tout peut se faire chez nous, il suffit de prendre une décision ferme et de la mettre en valeur.

Après les études. L’Afrique ou l’Europe ? Une question difficile.

© Bourges Naboutawo
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Christian Namibi

Après mon BTS en Comptabilité et Gestion, j’ai obtenu un poste dans une entreprise de Télécommunication. Pour ce poste de comptable, le salaire était insuffisant. Je percevais 100 000 Fcfa (environ 150 Euro). Moi et mon frère cadet, nous vivions dans un appartement en location, mon salaire ne me permettais pas de tout payer… Après quatre ans de service, je me suis décidé à faire une formation pour avoir un diplôme supérieur de comptabilité et gestion (Bac + 5). Ainsi demain j’aurai un salaire confortable.
Vu de mon expérience, je dirai que ces cerveaux, qui quittent l’Afrique pour l’Europe et ne reviennent pas, ont des raisons d’agir ainsi. Me concernant, à l’issue de mon cursus universitaire, je compte évidemment faire venir ma famille et rester travailler en Europe pendant au moins cinq ans pour acquérir le savoir-faire et si possible rentrer dans mon pays pour faire-valoir mes compétences.

Le plaisir de parler des projets ‘Afrique’ tout en étant encore sur le banc de l’école.

© Bourges Naboutawo
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Loveline Nguetsa | Cameroun
Je suis de nationalité Camerounaise. Dans mon pays j’étais en 3e année Universitaire en Physique. Mais, j’ai préféré arrêter à cause des conditions d’études. Il fallait se réveiller à 5h00 pour avoir de la place dans amphithéâtre …Venir étudier en Europe était la meilleure option pour moi. Actuellement, je suis en 2e année d’ électronique. L’année prochaine je serai en Licence et je compte ensuite me spécialiser en Automation.
Bien que les étudiants africains aient souvent du mal à retourner dans leurs pays à cause des obstacles comme: le manque d’emploi, l’insécurité, l’éducation, la santé…en ce qui me concerne, j’aimerais vraiment retourner dans mon pays après ma formation. Car, malgré tous ces soucis, on se sent toujours mieux chez soi.

Nos dirigeants africains devront examiner et trouver une solution à ce problème qui ruine toute l’Afrique à petit feu, en créant des emplois, en facilitant la population dans plusieurs domaines comme: le commerce… mais aussi en évitant la corruption et en donnant du travail aux méritant.
Tout est possible, nous avons nos ressources naturelles, une richesse éternelle! Si tous ces problèmes sont résolus, ce sera facile pour tous les étudiants et personnes hautement qualifié de regagner son pays.

L’università politecnica delle marche.

© Bourges Naboutawo
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Thertys Schemele

Après le bac au pays, j’ai fait deux années en Faculté d’économie J’ai entendu parler des cours de langue italienne, je m’y suis inscris. Grâce à cela, j’ai réussi à la 3e tentative le CELI (CERTIFICAZIONE ITALIANO GENERALE).
J’ai pu obtenir le visa après moult difficultés dues aux tergiversations de l’ambassade d’Italie. je suis finalement arrivé en Italie et je me suis inscrite en Faculté d’économie. J’ai choisi de partir de mon pays parce que je pensais à l’époque qu’il n’y avait pas de perspective pour nous là-bas et que la vie était meilleure ici en Europe. Je compte après mes études postuler pour un poste au pays tout en gardant une base ici en Italie. De telle sorte
que si je ne parvenais pas à travailler au pays, je puisse toujours rester ici pour me battre.