Le campus universitaire d’Abidjan

banniere_chroniqueivoirienne03b.jpgUne petite incursion de quelques jours au sein de la plus grande cité universitaire d’Abidjan, aura permis de comprendre la vie estudiantine en Côte d’Ivoire. Située en plein cœur de la commune présidentielle de Cocody, la résidence universitaire appelée communément le  »Campus », nous révèle ses facettes. C’est un environnement spécial où pour survivre, la solidarité et la débrouillardise sont de mise. Bien sûr, il faut également ne pas être brouillé avec le tout puissant syndicat estudiantin qui règne en maître sur ladite cité.


Niakata devant sa télé © Camille Millerand
Niakata devant sa télé © Camille Millerand

AU CŒUR DE LA CITE UNIVERSITAIRE «CAMPUS»

Le visiteur qui franchit les portes de la cité est frappé par la grande clôture qui l’entoure. «On pourrait passer des mois sans avoir besoin de sortir d’ici» , affirme Marcel Diby , un habitant de la dite cité, pour montrer qu’on trouve tout à l’intérieur du «Campus».

Ils sont de différentes régions, de différentes ethnies, de différentes filières, de différentes situations sociales. Les étudiants qui habitent le campus sont d’une diversité remarquable.

Sur la cité «U» les considérations raciales ou ethniques n’ont pas leur place. «Nous essayons de vivre en parfaite harmonie sans mettre de barrières entre nous» , affirme Benjamin Douhosson . Il prépare une thèse en musicologie.

La plupart des chambres estudiantines sont partagées entre 4 voire 7 étudiants. «On les appelle les Cambodgiens» , lance Rodrigue Séka , étudiant en anglais. «C’est-à-dire qu’ils n’ont pas droit à la chambre. Mais les ayants droits acceptent de partager leurs chambres déjà très étroites avec eux» , explique t-il.

Sur la cité, la solidarité entre les étudiants est forte. «Pour nous en sortir, il faut qu’on se serre les coudes» , soutient une jeune étudiante.

** Un gigantesque centre commercial

Sur la résidence universitaire, les petits commerces tenus par les étudiants sont légions. Espaces gastronomiques, stand de jeux vidéos, boutiques, etc…

Tout y est.

Salon de coiffure sur le campus © Camille Millerand
Salon de coiffure sur le campus © Camille Millerand
«On essaie tant bien que mal de subvenir à nos besoins en tenant une petite entreprise» , soutien Hamed K . Il est étudiant en DESS de gestion et tient également un espace où les habitants du campus viennent jouer à la «Play station».

Certaines étudiantes, pour leur part, transforment leurs chambres en boutiques. «Ici je vends des produits hygiéniques, des condiments pour la cuisine et aussi des trucs pour femmes» , déclare Alice Trazié , 27 ans étudiante en Licence d’histoire. Le décor de la chambre qu’elle partage avec d’autres étudiantes est unique. Près du lit, une table à trois pieds prend appui sur le mur. Sur cette table des articles sont emballés dans des sachets plastique avec des prix marqués dessus. «Bougie 50 francs, piment 25 francs, savon 225 francs etc.» , peut-on lire.

Sur la porte d’une autre chambre, les prix sont affichés. «Chez nous on fabrique des boissons naturelles que nous vendons après» , témoigne Frédéric G , étudiante en maîtrise de psychologie. Dans la chambre de Fredy , un grand réfrigérateur occupe une bonne partie des lieux. Et sur la porte de la chambre on peut lire cette annonce:  «Ici vente de jus de bissap, de passion, 50 francs» .

C’est devenu courant. Les chambres ne servent plus seulement à dormir mais aussi à faire du commerce.

Les secteurs comme la médecine et la pharmacie ne sont pas en reste. En général, les «chambres-pharmacies» sont tenues par des étudiants en médecine ou en pharmacie. «On y trouve des produits de première nécessité» , explique le Dr Ephraïm D , en fin de cycle en faculté de pharmacie. «Ça aide surtout quand on sait que les pharmacies de garde ne sont pas toujours proches» , précise t-il.

On retrouve même une boutique d’optique qui base sa politique sur le «bas prix». «Nous faisons des consultations optiques et nous vendons des verres aux étudiants à moindre coût» , explique Obed , le responsable.

La cité universitaire, c’est aussi d’autres commerces qui fleurissent.

Angèle Ompréon est coiffeuse depuis 3 ans sur la cité. Elle n’est pas étudiante. Mais elle a ouvert un salon de coiffure dans une ancienne buanderie. «Je fais en sorte que les prix soient réduits pour que toutes les bourses puissent avoir accès à mes soins» , signale-t-elle. Pour Angèle, la cité universitaire est une véritable mine d’or même si depuis quelques temps elle n’est plus la seule à partager ce trésor. «Il y a beaucoup de salons qui se sont ouverts. La concurrence est rude» , avoue-t-elle. Pourtant, Angèle sait qu’elle peut compter sur sa clientèle qu’elle a su fidéliser aux fil des années.

** Les Maîtres des lieux

Par moment, l’on entend des coups de sifflets. Des voix s’élèvent et des bruits de pas se font entendre. «Ce sont les éléments de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci)» lance craintif un jeune étudiant. Ce mouvement qui existe depuis le 21 avril 1990 a été longtemps indexé comme une milice utilisée pendant la crise par le pouvoir en place.

Un syndicat auquel a appartenu l’actuel premier ministre Guillaume Soro ainsi que le chef de file des «jeunes patriotes», Charles Blé Goudé . Deux icônes de la jeunesse ivoirienne en général.

Sur la cité du Campus, la Fesci règne en maître absolu. «Ici la police n’a pas le droit d’entrer» , révèle un étudiant sous couvert de l’anonymat. Au campus, le principal syndicat estudiantin fait sa loi. «L’attribution des chambres, la collecte des taxes commerciales, la location des terrains de la résidence universitaire…, tout ceci est dirigé par la Fesci» , révèle une autre étudiante. Ce syndicat fortement structuré à la main dans tous les secteurs et les yeux sur tout ce qui se passe et se dit sur cette résidence universitaire.

Même si certains ne partagent pas les agissements du syndicat des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire, ils militent au sein de ce mouvement afin de bénéficier de quelques grâces. «Vous savez, il y a trop de choses que je ne partage pas à la Fesci. Par exemple, l’actuel Secrétaire Général, Augustin Mian , il a eu le Bac en 1996. Mais aujourd’hui il est encore en Licence. Et c’est celui-là, qui défend les intérêts des étudiants et élèves de Côte d’Ivoire» dénonce un haut responsable de la Fesci du Campus. «Si j’avais le choix, je serai parti de ce mouvement. Mais j’en besoin pour finir mes études, avoir une chambre et manger au restaurant de la cité sans payer. Grâce à mon adhésion à ce syndicat, j’ai des entrées et des privilèges dans l’administration ivoirienne» , avoue-t-il.

VOIR LA SERIE DE CAMILLE MILLERAND SUR LE CAMPUS UNIVERSITAIRE DE COCODY

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