Le futur, c’est pas dans un bureau

banniere_classemoyenneafrique03.jpgElle n’a qu’une trentaine d’années, Kadie . Préparant un DEA en sociologie à l’université d’Abidjan, elle est mère célibataire d’un enfant d’à peine 2 ans. Dans la lignée de nombreux étudiants africains qui n’attendent maintenant plus beaucoup de leur pays en matière d’emploi et ayant compris que l’Etat ne peut plus fournir des emplois de fonctionnaire pour tous ses enfants, elle explore toutes les possibilités pour joindre les deux bouts, se prendre en charge et subvenir elle-même aux besoins de sa famille. Surtout quand on est l’aînée d’une famille de 9 enfants dont les parents, anciens agriculteurs dans un village rural, sont à la retraite. La responsabilité est immense. TEXTE de Mohamed DARA

Pouvez vous vous présenter ?
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Kadie (à gauche) se repose dans sa chambre avec une amie et son fils. Elle partage une chambre en résidence universitaire. Habituellement son fils vit chez ses parents qui s'en occupent quand elle travaille ou étudie. © Joan Bardeletti
Kadie (à gauche) se repose dans sa chambre avec une amie et son fils. Elle partage une chambre en résidence universitaire. Habituellement son fils vit chez ses parents qui s’en occupent quand elle travaille ou étudie. © Joan Bardeletti
“Avec ma première bourse d’étude de 480 000 F CFA ($960), j’ai fait l’acquisition de deux portables. Je me suis installée au bord de la route pour faire une cabine téléphonique. Car cette bourse ne me permettait pas de vivre et de supporter mes frais de recherche, et mes parents retraités ne pouvaient pas m’aider ». Surtout, elle veut acquérir son indépendance et ne dépendre de personne.

Quelles sont vos activités ?

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De son banc du bord de route, Kadie fait quelques économies. Elle se dit alors qu’elle peut faire mieux. Elle sonde le marché et s’aperçoit que les étudiants ont parfois des difficultés à faire des photocopies de leurs cours. Elle s’achète alors une photocopieuse et cherche un lieu sur le campus où l’installer. C’est alors que surgissent les premières difficultés.

Malgré de nombreuses discussions, on lui refuse un emplacement sur le campus. Finalement, après avoir rémunéré différents intermédiaires, on lui octroie un emplacement près d’une résidence universitaire hors du campus. Elle est la première à s’y installer.

Pour trouver des clients, elle casse les prix : “au lieu de 25 F CFA la photocopie, je proposais 15 F CFA. C’est à ce prix, dit-elle, que j’ai pu trouver mes premiers clients mais ma marge était nulle, et je ne gagnais rien. Mais le bouche à oreille a fait le reste et aujourd’hui, s’empresse-t-elle d’ajouter, j’ai remonté mes prix et peux épargner.

Puis tout s’enchaîne : l’achat d’un appareil à reliure, d’un PC pour du traitement de texte, le premier magasin qui s’avère alors trop exigu et la création d’un cybercafé de 5m2 avec 7 ordinateurs.

Grâce à ses différentes activités Kadie salarie aujourd’hui 3 personnes et gagne de 200 000 à 300 000 CFA par mois ($400 à $600/mois, soit $13 à $20 par jour).

M. Gbalou est professeur en classe de terminale. Sa classe de 58 élèves est une des plus petite du lycée, dont la population est passée de 3000 à 6000 élèves suite à l'afflux de réfugiés du nord. Son salaire de 0/moislui permet difficilement de nourrir sa famille élargie (9 personnes). © Joan Bardeletti
M. Gbalou est professeur en classe de terminale. Sa classe de 58 élèves est une des plus petite du lycée, dont la population est passée de 3000 à 6000 élèves suite à l’afflux de réfugiés du nord. Son salaire de 0/moislui permet difficilement de nourrir sa famille élargie (9 personnes). © Joan Bardeletti
Quels sont vos revenus ?

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Elle ne pense pas pouvoir gagner plus lorsqu’elle sera diplômée mais la stabilité d’un emploi salarié dans la fonction publique la tente. En effet, la concurrence est de plus en plus rude entre les échoppes et son activité stagne. Elle s’est donc essayée à passer des concours, l’ENA ou celui de conseillère d’orientation, mais sans succès à ce jour.

Quel est votre métier ?

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Cette jeune femme au regard perçant n’en fait cependant pas une fixation et pense déjà à une autre voie possible : l’achat d’un terrain pour la culture de l’hévéa pourrait lui apporter les revenus stables qu’elle recherche car, dit-elle, “on ne sait pas de quoi sera fait l’avenir” .

Mangeant trois fois par jour, elle estime faire partie de la classe moyenne. « Je n’ai pas tout ce que le riche possède : une maison, une voiture et aucun problème pour se soigner, mais je ne pense pas être pauvre » . Aujourd’hui elle constate que les activités de PME rapportent plus que travailler dans un bureau. Pour elle, on peut donc faire partie de la classe moyenne sans revenus déclarés et frôler la pauvreté en étant fonctionnaire.

Pensez vous faire partie de la classe moyenne ?

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Croyante musulmane qui accomplit ses cinq prières quotidiennes, elle n’a jamais rêvé d’expatriation en Europe. Elle dit être convaincue que ce bonheur là peut aussi se construire en Afrique. Et malgré les nuages au dessus de son pays, elle voit l’avenir avec un certain optimisme.

TEXTE de Mohamed DARA



Comment voyez vous votre futur?


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Avez-vous pensé à émigrer ?

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Arrivée d'une épreuve de pentathlon moderne près de la piscine olympique d'Abidjan. La piscine est un des loisirs de s classes moyennes : l'accès reste abordable mais les cours coutent cher. Beaucoup ne savent donc pas nager. © Joan Bardeletti
Arrivée d’une épreuve de pentathlon moderne près de la piscine olympique d’Abidjan. La piscine est un des loisirs de s classes moyennes : l’accès reste abordable mais les cours coutent cher. Beaucoup ne savent donc pas nager. © Joan Bardeletti

Mme Coulibaly dans son nouvel appartement avec son fils et sa niece. Comptable, elle supporte 6 personnes. L'augmentation du transport et des aliments greve son budget. Elle a déménagé car son précédent loyer était devenu trop élévé. © Joan Bardeletti
Mme Coulibaly dans son nouvel appartement avec son fils et sa niece. Comptable, elle supporte 6 personnes. L’augmentation du transport et des aliments greve son budget. Elle a déménagé car son précédent loyer était devenu trop élévé. © Joan Bardeletti

Tante Yvonne, 63 ans, habite le quartier des 220 Logements. Retraitée de la fonction publique, elle touche 0 par mois. Pour elle seule cela pourrait lui suffire mais elle doit aider 2 de ses fils qui, diplômés, ne trouve pas de travail. © Joan Bardeletti
Tante Yvonne, 63 ans, habite le quartier des 220 Logements. Retraitée de la fonction publique, elle touche 0 par mois. Pour elle seule cela pourrait lui suffire mais elle doit aider 2 de ses fils qui, diplômés, ne trouve pas de travail. © Joan Bardeletti