Le garage d’Ibrahim : Une opportunité pour les jeunes déscolarisés d’Abobo

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Après cinq années de guerre en Côte d’Ivoire, plusieurs questions sociales restent sans réponses pour la jeunesse. Au nombre de ses questions le chômage arrive en tête.

Pour pallier à cela, de nombreuses initiatives sont nées. Certaines sous l’instigation de l’Etat, d’autres par des personnes de bonnes volontés.

A l’exemple d’ Ibrahim Seyni qui a fait de l’emploi des jeunes son cheval de bataille.

Assis derrière son bureau, Ibrahim observe depuis la fenêtre les travaux qui se déroulent sur un engin encore informe. «Ce tas de ferrailles que vous voyez là, sera bientôt transformé en un car flambant neuf» , dit-il.

A un peu plus de trente ans, ce père de famille de trois enfants s’est lancé dans une activité qui fait la fierté de sa famille et qui requiert l’attention de tout le quartier.


Après s’être formé pendant de nombreuses années en Côte d’Ivoire dans le domaine de la ferronnerie, Ibrahim va suivre un stage au Ghana et s’installer définitivement à son propre compte en 1995 en Côte d’Ivoire.

C’est au «quartier Anador» à Abobo (commune la plus peuplée d’abidjan) que le trentenaire à installé son « usine » de voiture.

Elysée et Amy partage la même chambre. Elle travaillent ensemble pour financer leur études © Camille Millerand
Elysée et Amy partage la même chambre. Elle travaillent ensemble pour financer leur études © Camille Millerand

En réalité, c’est un garage à ciel ouvert où sont fabriqués des véhicules de 32 à 36 places qui serviront au transport en commun. «Avec quelques fers nous faisons le squelette du car. Pour le reste c’est-à-dire l’habillage, les travaux de mécanique, d’électricité et de peinture sont faits par mes hommes et par moi» , explique t-il.

Dans un coin de « l’usine » «un car en voie de finition» est « assiégé »  par une foule de jeunes. Certains sont sur le toit, d’autres le dos à même le sol, travaillent sous le mastodonte. Une autre partie de ces jeunes s’est installée à l’intérieur du véhicule.

«Ce sont mes ouvriers» , indique Ibrahim. «Et ils travaillent d’arrache pied parce cette commande doit être livrée d’ici deux ou trois jours» , précise t-il.

En fait, le garage d’Ibrahim n’est pas comme tous les autres. «Ici tous ceux que vous verrez travailler ont entre 12 et 26 voire 27 ans. Ce sont des jeunes que je forme et que j’emploie par la suite» , déclare Ibrahim.

«Moi je suis arrivé ici depuis 1997 alors que je fréquentais l’école coranique» , affirme Sangaré Ibrahim dit « Gauché ». Il a été formé à la ferronnerie par Ibrahim son patron. Il est aujourd’hui l’une des pièces maîtresse de l’usine. «Quand mon patron est absent je m’occupe des autres» , assure t-il.

Comme lui ils sont nombreux à être venus à cette usine. Certains depuis plus de cinq ans, d’autres depuis quelques mois.

«Alors que j’avais arrêté d’aller à l’école, mon père a jugé bon de m’envoyer ici pour me faire former» , déclare Siaka , âgé de 22 ans. Il est là depuis 2001 et s’est formé à la mécanique.

On y trouve des peintres, des tôliers, des ferronniers, des tapissiers et des électriciens. Tous ceux-là sont formés dans l’usine et employés par la suite. «La formation est gratuite et chacun après des années d’apprentissage est libre de partir ou de rester» . Ces jeunes sont rémunérés chaque fois qu’il y a du travail à faire. «Quand nous avons des commandes de car chacun y trouve sont compte» , soutient Akim , il est tôlier.

Pour les mécaniciens, toutes les périodes sont bonnes. Lorsqu’il n’y a pas de commande de car, ils s’attèlent à réparer d’autres véhicules qui ont des problèmes de mécanique.

Pour Ibrahim, «il faut offrir à ces jeunes l’occasion d’avoir un emploi et de pouvoir aussi se prendre en charge» .

Ainsi, grâce à cet emploi ces jeunes réussissent tant bien que mal à s’occuper d’eux et de leurs familles. «Aujourd’hui c’est vrai que je ne gagne pas beaucoup, mais j’arrive à subvenir à mes besoins et à apporter un peu à la maison» , atteste Siaka.

Aujourd’hui, ils espèrent tous pouvoir être employés dans des entreprises plus perfectionnés afin d’accroitre leurs connaissances. Mais en attendant ils devront se contenter de ce peu qui pourtant leur donne de quoi s’épanouir et d’être mieux vus dans leurs familles respectives. «Cela est à mon honneur» , renchérit Ibrahim fier des jeunes qu’il a formé.

VOIR LA SERIE DE CAMILLE MILLERAND SUR LE GARAGE D’ABOBO 

Vue depuis le pallier de Pollack. Il vit dans le Batiment E de l'ancien campus de Cocody avec sa femme et son enfant. Il gère la principale auto-école du campus © Camille Millerand
Vue depuis le pallier de Pollack. Il vit dans le Batiment E de l’ancien campus de Cocody avec sa femme et son enfant. Il gère la principale auto-école du campus © Camille Millerand