(le) Plateau

Lorsqu’ils sont venus s’y installer, les hommes ont recouvert chaque parcelle de cette terre frappée par le soleil. Ils pensaient repousser la frontière, inverser le vent sableux en érigeant des pyramides de béton. L’orgueil des hommes, la gloire des bâtisseurs.

La cité avait été programmée, les hommes sont venus. Plusieurs générations y ont vécu et puis soudainement, sans que nul ne sache jamais pourquoi, les phénomènes ont commencé à apparaître. Tout d’abord imperceptibles, les habitants les ont pris pour des manifestations du hasard. Mais au fil des jours, la régularité de leur développement ne laissa plus aucun doute quant à leur réalité.

Peut-être était-ce l’air qui était devenu irrespirable, ou bien le sol toxique ? Peut-être que les étendues d’eaux stagnantes s’étaient mises à avancer sur les terres ? Peut-être que tout simplement l’Homme n’avait rien à faire là, que cette lumière n’était pas faite pour lui ?

Il apparut rapidement nécessaire de prendre des dispositions exceptionnelles. Le peuple se tournait de plus en plus vers les prédicateurs qui annonçaient la fin du monde. On chuchotait que les dieux attendaient des sacrifices. Les anciens ont longuement débattu, et décision fut finalement prise d’abandonner la ville puis de l’embaumer.

La population fut transportée de l’autre côté des eaux où elle assista, regroupée sur les rives anciennes, à l’embaumement. Les principales artères de la cité furent ouvertes, libérant les fluides qui coulèrent doucement jusqu’à la lagune. Sur toutes les places, on apporta les graisses qui fondirent au soleil. La ville sécha en quelques jours. La lumière vint se déposer sur ses angles redevenus saillants et drapa toute la cité d’une poussière dorée. Au fil des semaines, l’air s’y fit épais comme du verre, et recouvrit bientôt les murs prisonniers d’un extérieur trop pesant. Quelques semaines encore et le sarcophage fut enfin prêt.

Comme il est de coutume de sacrifier des hommes lorsqu’on abandonne une ville, on en choisit quelques-uns. Ils n’opposèrent aucune résistance et se résignèrent à rester en silence.

Depuis les rives anciennes, on aperçoit au loin la cité qui, telle un plateau suspendu dans le temps, s’est refermée pour toujours en emportant avec elle le secret de sa chute.

© Arthur Perset
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© Arthur Perset
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Arthur Perset Plateau12
Arthur Perset Plateau12