Madgermanes

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Des chiffres, des chiffres. C’est un torrent de chiffres que font pleuvoir sur vous les « Madgermanes » lorsque vous les rencontrez. Comme un barrage qui cède régulièrement à cause de la pression de la rancœur accumulée tout au long des années.

A l’indépendance du Mozambique en 1975, un régime socialiste se met en place dirigé par le FRELIMO, parti toujours au pouvoir aujourd’hui.

Ce régime est activement soutenu par l’URSS et des liens étroits se nouent avec les pays du bloc soviétique. À partir de 1979, ce sont 20 000 mozambicains souvent jeunes, qui partent travailler en RDA, attirés par l’aventure et la perspective d’un emploi assuré.


Là bas, ils découvrent l’Europe, le froid, quelque fois le racisme et sont chauffeur, tourneur fraiseur, ou menuisier. 60% de leur salaire est prélevé pour être envoyé au Mozambique sur un fond permettant la croissance du pays. Cet argent doit leur être restitué à leur retour.

Ils restent en RDA jusqu’en 1989, date à laquelle la chute du mur de Berlin et l’effondrement soviétique les contraint à rentrer au pays.

Mais à leur arrivée, rien ne se passe comme prévu : le gouvernement mozambicain tergiverse, diffère et finalement ne leur verse pas leur argent.

Certains abandonnent mais d’autres s’obstinent et depuis bientôt 20 ans protestent. Ils deviennent les « Madgermanes ». Réunis chaque jour du matin au soir dans un jardin public repeint aux couleurs de l’Allemagne, ils discutent, ressassent leur rancœur, leurs espoirs perdus et pestent contre le gouvernement.

D’après les documents officiels qu’ils brandissent, le gouvernement aurait détourné plus de 350 millions de dollars, ce qui représenterait  environ $20 000 par personne (à titre de comparaison, en 2003, 54% de la population mozambicaine vivait avec moins de $2 par jour).

En 2006, sous la pression du gouvernement allemand, le Mozambique consent à verser une partie des sommes dues, mais les Madgermanes touchent au mieux $800, et certains seulement $40…

Chaque mercredi, les Madgermanes défilent sur la plus grande avenue de la capitale Maputo. Ils sont une quarantaine et pendant 3 heures traversent la ville  en criant des slogans anti FRELIMO. Spectacle étonnant dans cette « démocratie » aux accents de dictature puisque le parti en place depuis 35 ans interdit toute manifestation politique,… sauf celle ci. Ce droit a été conquis de haute lutte après que la police a tiré sur les premières manifestations et que 2 morts soient survenus.

Certains anciens de l’Allemagne de l’Est critiquent pourtant cet acharnement. Eux qui se sont réinsérés dans la vie mozambicaine a leur retour estiment en effet que les « Madgermanes »  utilisent le prétexte politique pour refuser de travailler, et boire à longueur de journée.

Difficile de dénouer le faux du vrai entre chaque version. Étonnant et touchant en tout cas de voir ces Madgermanes vivrent dans l’Ostalgie, la nostalgie de la RDA, un pays au régime soviétique disparu depuis bientôt 20 ans…

Chaque mercredi, les Madgermanes manifestent sur la plus grande avenue de Maputo. Les drapeau Allemand flottent et les slogans anti FRELIMO, le parti au pouvoir, fusent. C'est la seule manifestation politique autorisé par le pouvoir dans tout le pays. © Joan Bardeletti
Chaque mercredi, les Madgermanes manifestent sur la plus grande avenue de Maputo. Les drapeau Allemand flottent et les slogans anti FRELIMO, le parti au pouvoir, fusent. C’est la seule manifestation politique autorisé par le pouvoir dans tout le pays. © Joan Bardeletti
Zeca présente l'équipe de football dans laquelle il jouait à Gera en Allemagne de l'Est où il est resté 6 ans. © Joan Bardeletti
Zeca présente l’équipe de football dans laquelle il jouait à Gera en Allemagne de l’Est où il est resté 6 ans. © Joan Bardeletti
Juma Madeira dans sa chambre. Il est resté 8 ans en allemagne de l'est comme fraiseur. Au retour, impossible pour lui de trouver un emploi car les employeurs potentiels craignent ses revendications. Il vit grace au salaire de sa femme. © Joan Bardeletti
Juma Madeira dans sa chambre. Il est resté 8 ans en allemagne de l’est comme fraiseur. Au retour, impossible pour lui de trouver un emploi car les employeurs potentiels craignent ses revendications. Il vit grace au salaire de sa femme. © Joan Bardeletti
Un mot de Daniela, une amie de travail est allemande, adns le journal intime de Cristina. (à gauche) / Dans le journal intime que Cristina a tenu pendant son sejour en Allemagne de l'Est (à droite) © Joan Bardeletti
Un mot de Daniela, une amie de travail est allemande, adns le journal intime de Cristina. (à gauche) / Dans le journal intime que Cristina a tenu pendant son sejour en Allemagne de l’Est (à droite) © Joan Bardeletti
Lucio AMADE a 19 ans lorsqu'il pose dans sa chambre à Karl Marx Stadt où il travaille dans une usine de roulement à bille. (à gauche) / Lucio AMADE dans sa chambre à Karl Marx Stadt avec son pote Zeifet avec qui il travaillait à l'usine (à droite) © Joan Bardeletti
Lucio AMADE a 19 ans lorsqu’il pose dans sa chambre à Karl Marx Stadt où il travaille dans une usine de roulement à bille. (à gauche) / Lucio AMADE dans sa chambre à Karl Marx Stadt avec son pote Zeifet avec qui il travaillait à l’usine (à droite) © Joan Bardeletti
Lucio ANADE (2nd à partir de la droite) à 19 ans avec sa bande d'amis en Allemagne de l'Est. Derrière lui, Diana sa copine et à guache, son ex. © Joan Bardeletti
Lucio ANADE (2nd à partir de la droite) à 19 ans avec sa bande d’amis en Allemagne de l’Est. Derrière lui, Diana sa copine et à guache, son ex. © Joan Bardeletti