Mélancolie d’Afrique

A l’origine d’un travail qui se poursuit depuis des années maintenant cette expérience : entrevoir, un bref instant, trop court, au travers d’une fenêtre en passant, celle d’une maison, d’un bus, d’un taxi ou d’un métro un train qui s’éloigne, dans un rétroviseur, un miroir trop petit : entrevoir un lieu, une femme. Au moment où s’évanouit la vision, à la fraction de seconde où l’image se précisait justement, seul le souvenir apparaît. Ce qui n’est plus là, n’y sera plus, prend toute sont importance et ne vous quitte plus comme du fait
précisément de son absence, de la perte qu’il accuse… Ce qui ne sera plus jamais là prend alors toute sa splendeur dans la reconstitution qu’elle impose. Ce lieu, cette femme je ne pourrais plus jamais l’oublier.

© ARTO PAZAT
© ARTO PAZAT

Il convient de considérer mon parcours photographique et artistique comme une longue et ininterrompue suite de plans fixes d’un film sans début ni fin. Chaque plan comme autant de Vanités. Toutes séries écriture des pages d’un carnet des mélancolies d’une existence replacée dans son temps, de l’extinction de ce temps.
L’existence comme incapable de répondre à la douleur de la perte et son corollaire lâcher prise. Dérisoire de fixer qui déjà échappe.

Un jour de prise de vues avec un modèle, celle-ci finissant de se préparer me dit alors : »Qu’est-ce que je fais ? ». Mon désarrois fut si grand que je me suis entendu lui dire, concluant court toute suite de travail ; « tu ne fais rien, c’est fini. » … Elle ne savait quoi me donner, je ne savais quoi recevoir… Il manquait l’âme de l’instant, l’esprit du lieu, le sentiment du partage…

J’ai depuis toujours (depuis l’âge de 12 ans, à ce moment où je reçois mon premier Instamatic Agfa) tout donné à la photographie qui m’a souvent tout repris et laissé dans un grand désarrois et démuni de tout alors au bord de ce gouffre qui ne vous laisse même plus entrevoir le goût de l’existence…

Mon travail ne cherche ni à identifier, ni à illustrer mais à conduire le regard, faire juste réapparaître le désir, à l’endroit de la disparue, dans une ville, un lieu qui s’efface.

Pour moi de l’absence, la perte naît le regard, le désir. La présence.

© ARTO PAZAT
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