Résilientes

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Ô Résiliente

Ô Femme Abyssine, Ô Femme Noire

Sa peau ombrée qu’un soleil zénith moire

De baisers incandescents est la flamme

De sa négritude révélée de lumières…

Sa peau crépuscule luit

Sa peau, de miellées nuits,

Constellées de nuances éloquentes

Ô Cinabre Amarante

Ô Abyssine Hélianthe

Ô Résiliente

Ô Femme Éthiopique, Ô Femme Noire

Ses lèvres mangoustan, fruits miraculeux,

Disent l’ardent incarnat de son mystère

Et le feu des âmes incarnées dans sa chair

Dans sa chair drapée d’étoffes chamarrées

D’étoffes chamarrées de ses mémoires oubliées

De ses mémoires oubliées qu’il lui faut re-tisser

Ô Flamboyante Fleur Piment

Ô Éthiopique Femme Curcuma

Ô Résiliente

Ô Femme Africaine, Ô Femme Noire

Revêtant les parures de l’aïeule, de la mère

Est habitée d’esprits plusieurs fois centenaires

Son visage-halo, alors, d’aphrodite Ivoirienne

Lui donne des allures d’estase ouranienne

Un ange-sphinx, une vénus-piété

Qui, son regard d’Oracle, plonge dans l’éternité

Le défi. En pythie nubienne, elle est transfigurée

Du génie de la cité exorcisée, enfin enracinée…

Ô Mambo, Ô Prophétesse

Ô Résiliente

Ô Déliée Massaï, Ô Callipyge Hottentote

Ô Korê ébène dans ses mises matrilinéraires

Une sculptural bronze, un bijou ciselé

Ô Reine d’humilité

Ô Impératrice de la postérité

Ô Résilientes…

Ô Idiosyncrasies…

Poème de Stéphanie « Nèfta Poetry» Melyon-Reinette

Résilientes

Exposition de Joana Choumali

**Médias

Les images les plus récurrentes confinent le continent à la famine, aux êtres décharnés, à un monceau de corps hâves, exsangues de toute force vive, du viscéral de sa culture, de l’indomptable de son histoire finalement imprimée dans ses lignées…

Pourtant, le continent noir est une réincarnation perpétuelle, resurgissant en une infinitude de rhizomes.

**Fait historique

Le continent est hyperfragmenté suivant des lignes tribales, culturelles, géographiques, et il l’est d’autant plus quant à considérer les morcellements socioculturels provoqués par les avancées technologiques galopantes et leur corollaire, l’occidentalisme.

Mais il se transforme… C’est un peu là sa résilience… Et les femmes africaines, qui revêtent tant de visages et de corporéités, en sont assurément l’une des plus belles expressions. En elles, se concentrent, tout à la fois, les forces et les fractures du continent. Ses traditions et ses perditions. Ses rétrogressions et ses modernisations. Car alors que l’Afrique fût maintes fois profanée, elle accouche de chimères tout autant que de rémanentes de sensualités écumées, corrodées, rapinées… Elles sont là. Debout.

Sur-Vivantes.

**Genre

Les femmes africaines vivent en constellations. Elles sont constellations qui se reproduisent, se croisent, maillent les sociétés, se lient parfois puis se délient, se perpétuent ou se rompent : polygamie, matriarcat, familles nombreuses. Elles ne sont souvent qu’une étoile dans ces astérismes familiaux : coépouses, acculées à la procréation et à la culture des champs, aux petits marchés et autres subsides pour élever leur nombreuse progéniture. Bêtes de somme, objets de plaisir, servantes, mamelles nourricières.

Pourtant, il y eut en Côte d’Ivoire des reines polyandres et un matriarcat très répandu. Tout et son contraire… Ainsi, le rôle déni pour les femmes en Afrique oscille selon qu’elle se trouve dans une ville ou dans un village. Entre ruralité et vie citadine, les profils évoluent.

Aux antipodes de cette réalité de femmes asservies, il y a l’émancipation des femmes.

La ville est libératrice et les pays portent en leur coeur de grandes métropoles, portails vers le monde extérieur, où le coutumier s’émousse, battu en brèche par les promesses de l’occident. Donc, les femmes y sont un plus libres : elles se vêtent de toilettes occidentales, occupent des emplois moins éreintants, des postes à responsabilité, s’engagent en politique, ont accès à la technologie, voyagent, découvrent, comparent, critiquent, choisissent. Et se soustraient à l’incurie d’un village et et à ses coutumes, jugées rétrogrades.

Rompre le lien ? Construire un monde moderne ? La glocalisation à l’oeuvre en Afrique, à travers un ensemencement de la culture locale par les grandes cultures occidentales, mène à une modernisation exponentielle. Sécularité et hypermodernité se côtoient, se chevauchent même ; et l’adaptation s’accompagne parfois de déviances.

**Résilientes

Les traditions devraient-elles terminer en déshérence ? Les « Résilientes » de Joana Choumali montrent que la lignée est inextinguible. Revêtue des ornements de leurs mères ou de leurs grands-mères, elles révèlent le legs.

**L’héritage

Résilientes comme la force qui couvait en terre. Les femmes noires, révélées dans leur grandeur et dans leur ancestralité à travers ces photographies, montrent l’importance de l’éducation. Car finalement, même lorsque socialisées par les diverses sphères qu’elles auront traversées, auxquelles elles auront versé leurs âmes, et dont elles auront absorbé les codes et les signifiants, déculturées puis enculturées, elles ne sont finalement pas vidées de leurs substantiques moelles : cette quintessence inculquée, insuée, par leur mère, grand-mère, aïeule, car ce sont les femmes qui transmettent, perpétuent la tradition. De plus, l’éducation est également dans les gestuelles, les attitudes, les intonations. Mimétisme du prestige. Ainsi, la magnificence de la femme africaine est elle aussi perpétuée à travers le regard de la fille sur la mère.

Leurs gestes de beauté et ses attraits persistent dans leur mémoire. De la mère à la fille… Elles deviennent alors leur mémoire qu’elles vont figurer…Le port de tête d’une reine au regard digne campée dans sa négritude.

« Résilientes » est une exposition qui manifeste la grandeur d’une Afrique réchappant d’une colonisation morbide. En elles, il y a la mémoire d’une tradition esthétique, qui constitue leur sève, leurs racines…

Stéphanie Melyon-Reinette

Écrivaine & Sociologue.

Un extrait de la série (6 photos) est exposée en ce moment à l’hôtel Onomo Dakar au sein de l’exposition « Femmes Photographes » (avec la revue Off the Wall) jusqu’en février 2015.

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali

Résilientes © Joana Choumali
Résilientes © Joana Choumali