Un réveil paradoxal

Nous vous présentons aujourd’hui un travail photographique et sonore que nous avons d’exposé au CCF de Brazzaville, Rép. Congo, en Octobre 2008.

** L’APPROCHE PHOTOGRAPHIQUE

«Je qualifie ce travail d’une première étape achevée d’un cheminement commencé il y a plusieurs années, par des études de théologie, puis par des études en arts. Ce qui me guidait : une attraction-répulsion des communautés chrétiennes, et par là une fascination pour l’impalpable sacré d’une relation spirituelle individuelle; la transformation du corps et de l’esprit; le spectacle; la manipulation.

Au fil du temps et des contacts noués avec le Congo, je découvre dans ce pays une explosion de l’offre spirituelle depuis la liberté de cultes en 1991. Comme il est de même en RDC, on remarque la prolifération d’églises dites de réveil, branches des églises évangéliques protestantes, sur le modèle nord-européen et américain.

La majorité d’entre elles sont de petites églises dirigées par des pasteurs auto-proclamés, d’autres plus grandes et reconnues se regroupent en fédération. Les églises de réveil sont présentes dans toutes les classes sociales mais se rejoignent toujours sur ces points fondateurs : un contact intime entre le fidèle et l’Esprit divin; une expression corporelle de la foi par les chants, danses, transes, charismes; la manifestation de la présence et la puissance du Saint-Esprit; le rigorisme moral.

Imposition des mains, 2008, 2m44/1m22 © Anne Delemotte
Imposition des mains, 2008, 2m44/1m22 © Anne Delemotte


Sur place, de nombreuses recherches m’ont apporté une base à une approche photographique : recherches sur l’histoire du réveil spirituel au Congo, la théologie africaine, de nombreux échanges avec des professeurs, pasteurs, charismatiques et laïcs, une visite d’un maximum d’églises à Brazzaville puis une approche plus approfondie dans une communauté. Ainsi, dans le temps, mon regard se portait sur la spiritualité incarnée : comment le corps devient l’outil de la foi ? Comment s’exprime le besoin de la présence physique de Dieu ? Quels rôles ont le corps des fidèles ? L’image devenait une tentative d’effleurer ce qui nous échappe et que nous voulons bien présent et agissant.

Je me suis vite confrontée à l’impossibilité d’une représentation et d’une compréhension (cum prehendere, saisir avec), ce qui m’a amené à porter un autre regard, à naviguer dans un entre-deux fascinant, entre la dénonciation et la sublimation, entre l’intelligible et l’inconcevable, entre le perceptible et l’insaisissable. J’ai travaillé les imagespour leur donner une temporalité et une intensité, me permettant de renforcer la violence, la systématisation ou l’émotion de moments précis. Les choix d’agencements des images et le grand format des tirages ne sont utilisés que pour inviter le spectateur à accéder à un autre (ailleurs/autre chose), insaisissable. Le regard véhicule alors à l’intérieur de chaque composition, comme voulant saisir le sacré d’une relation spirituelle intime et fuyante.»

Intimité, 2008, 2m44/1m22 © Anne Delemotte
Intimité, 2008, 2m44/1m22 © Anne Delemotte
Anne Delemotte

** DU SON A L’IMAGE

«Mon travail était avant tout de créer un dialogue entre les images de Anne et le son qui allait être créé. Pour coller au mieux à son travail, j’ai écarté la démarche documentaire, qui aurait impliqué une reproduction du réel, pour m’orienter vers une individualité du spirituel, l’importance du corps, en somme ce que l’on appelle la spiritualité incarnée.

J’ai cherché à signifier chaque mot clé du travail par un son et les retravailler pour constuire une narration. Il fallait donc parvenir à générer de l’émotion, mais surtout à toucher le spectateur par des vibrations corporelles et mentales.

Je souhaitais que la présence du corps soit perceptible, sans être explicite (utilisation de frottements du corps, des mains, vêtements, respirations, touchés).

J’aborde la notion de transe, du détachement du corps et de l’esprit, de la mise en spectacle (applaudissements) de manière à ce que le spectateur ressente quelque chose dans son corps sans pour autant pouvoir en pointer le principe.

Concernant la mise en espace de la diffusion, cacher les enceintes et les mettre sur le plafond (comme des douches au théatre) permet , à mon sens, de mieux aller vers une sensation d’enveloppe corporelle sonore plus efficace (à preparer le corps à une relation image/son)»

Maxence Ciekawy



Nous vous invitons à visiter notre site internet pour consulter l’ensemble du travail et écouter la création sonore : www.delemotte.ciekawy.free.fr

Pour nous joindre : annedelemotte@gmail.com / maxenceciekawy@gmail.com