L’art au service de la mémoire

© Adjaye Associates
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Au-delà d’une année qui voit le monde célébrer la première Coupe du Monde organisée sur le sol africain, 2010 est également l’occasion de se replonger dans 50 ans d’indépendance pour 17 des 53 pays que compte le continent noir. Avec GEO-graphics, une exposition de l’architecte britannique d’origine ghanéenne David Adjaye, les Bozar de Bruxelles rendent hommage, à leur façon, à ces états quinquagénaires.

GEO Graphics propose une rencontre artistique entre le passé et le présent, entre des œuvres ethnographiques (220 pièces au total racontant l’Afrique entre le 16e et le 20e siècle) en provenance du Musée royal de l’Afrique centrale et de collections privées et publiques belges et des créations contemporaines issues de 8 centres culturels africains. C’est là que réside tout le paradoxe de cette exposition où les clichés des capitales africaines pris par David Adjaye durant les voyages qu’il a effectué ces dix dernières côtoient les masques d’initiation Yaka et Suku de la RD Congo ou les statuettes en bois du Tchad. Un voyage dans le temps mais aussi dans l’espace, avec une évolution géographique, salle par salle du Magrheb à Madagascar en passant par les forêts d’Afrique centrale.

Les photos de David Adjaye n’ont pas la prétention d’être esthétiques ou recherchées, donnant même la fâcheuse impression d’être des clichés de vacances, mais mettent en lumière un urbanisme en pleine expansion et souvent ignoré au-delà des frontières du continent. Un hommage à l’urbanisation grandissante mais respectueuse des traditions culturelles, mais également un hommage aux femmes et hommes qui ont bâti ces indépendances : les visages d’Aminata Traore, Awa Keita, Sankara ou encore Senghor viennent ainsi illuminer de leur histoire des billets géants arborant fièrement la mention de « Monnaie unique africaine. » Surgit alors la notion de Panafricanisme, un concept qui se manifeste à diverses reprises au gré de l’exposition.

Une identité africaine au travers de l’art, un art qui explore également les tragédies avec l’Ivoirien Jems Robert Kokobi. Son « Convoi royal » rappelle la migration dangereuse, et trop souvent dramatique, de ces jeunes prenant la mer sur des pirogues de fortune en quête du rêve européen. Le photographe Georges Osordi illustre quant à lui l’ambivalence de la présence de pétrole dans le delta du Niger.

Moments de culture, instants de drame, échos de célébration, la sculpture ou la photographie, l’art ethnographique et contemporain pour ne pas oublier l’Histoire du continent. Toutefois l’art à ses faiblesses comme le mentionnent plusieurs vidéos de personnalités camerounaises. « À Yaoundé, il n’y a pas de bâtiment de l’indépendance ! C’est un peu comme une mémoire effacée » pour comprendre que vivre sans mémoire, c’est impossible.

C’est cela aussi GEO Graphics : faire du Panafricanisme cette mémoire collective dont l’Afrique a besoin pour mieux se tourner vers le futur.

Beach , 2004 © George Osodi
Beach , 2004 © George Osodi