11ème Biennale de Dak’Art

Les pavillons marocain et algérien, deux palais, deux expositions à part, presque un duo. Une porte de sortie face à la mer, une respiration dans cette effervescence ambiante, bouillonnante semaine d’ouverture de la 11ème biennale africaine de l’art contemporain à Dakar.

Abstractions légitimes, le pavillon de la Royal Air Maroc,

« Abstractions légitimes », l’exposition de la Royal Air Maroc, partenaire de la Biennale, présente 14 artistes africains. Dans ces lieux, lisse carrelage, blanc marbre, signalétique impeccable. L’ensemble est lisible, construit, la forme globale est cohérente.

Soly Cissé présente un grand triptyque, impressionnant.

Tour rapide et agréable, dans cette circulation fluide et aérée, tout est possible.

À l’étage on plonge pleinement dans l’installation de l’artiste Saïdou Dicko, on s’isole, on se sent dans une pièce à part. 

Au son grésillant, aux accords saccadés, des chants redondants, des instruments stridents et acérés, les images passent, elles défilent entre des photographies sans cadre et des cadres vides, entre des boîtes de carton recouvertes d’images, à un rythme tout aussi décomposé que doux.

Comme dans la ville, au quotidien, des mouvements lents, puis des surprises, quelques altercations, il y a ce que l’on voit, ce qui est caché, l’ombre qui suit.

Saïdou Dicko
Saïdou Dicko

Posters, papiers, images. Reconstitution d’un paysage. 

Au premier regard, l’installation aux silhouettes mouvantes, et le souvenir de sa mosaïque du monde à Bamako en 2009. Ces ombres, cette vitalité dans un reflet sombre. Saïdou Dicko le voleur d’ombres, une série que l’on redécouvre, comme entre parenthèse dans cette biennale africaine. L’installation est précaire mais puissante, elle est libre, elle appelle à se recentrer sur soi et à mieux regarder autour.

Le dispositif est composé de formats différents, uniques et personnalisés pour chaque image, comme un patchwork.

C’est une installation qui mêle la vidéo aux photographies dans une dynamique urbaine d’affichage, liant l’intime à la rue. On entre dans une maison, on est curieux et un peu intrusif dans ces scènes de vie.
L’accent est mis sur les personnes, l’être non marqué par un signe social, seulement l’ombre qui nous suit tous et partout.

L’ombre n’a pas de couleur, l’ombre est inclassable.

Ces ombres qui nous parlent ‘’d’égalité et d’union’’.

Gariibu (Gariibu = mendiant en Fulfulde, vidéo, 3’15’’, 2008) c’est l’histoire de ces mendiants, enfants portant leur boîte de conserve tomato à pièces, traînant, errant dans les rues de Dakar ou de Ouaga.

« Sans le leur demander ils m’ont dévoilé leur vie qui m’a fait penser à ma propre histoire quand moi aussi j’étais élève coranique. »
Dans ce court film, avec fluidité et sincérité, jouant derrière ou devant la caméra de Saïdou Dicko, ces enfants redeviennent des gosses joyeux et insouciants.

Le Pavillon Algérien

Place du souvenir toujours, une traversée de l’esplanade en quelques mètres et droit vers le pavillon algérien qui y présente sa nouvelle scène artistique.

A l’entrée trois grands formats photographiques, des grands paysages bleus, verts, aux lumières et tons loin du reportage, loin d’une façon de montrer le réel.

Le cartel indique que c’est un triptyque, le regard passe de l’une à l’autre vue, du vide aux blancs tout se passe, même dans ce silence.

L’absence est marquée par un paysage calme; l’après, comme le révèlent les silhouettes évidées de soldats sur deux d’entre elles. Calque caché de la violence, nous sommes en Algérie, un témoignage, en mémoire des combattants. Ces photographies apparaissent comme des sondes du passé, elle sont archives, étrangement, tout en nous interpellant par leur contemporanéité, l’ère numérique, le faux-vieux, la vraie histoire que Sofiane Zouggar nous donne à contempler en récit photographique.

Sofiane Zouggar
Sofiane Zouggar

Puis, après le silence… Ce sont des portraits de foules, coincés dans les transports par Youcef Krache. Il montre une forme d’anonymat, le choix du noir et blanc pour ne pas trop marquer ces scènes dans le temps, et la répétition fait force et unité.

Ces photographies de rue nous font partager le ‘’vivre dans le commun’’, tout en y révélant les caractères singuliers, un peu perdus dans la masse, dans la linéarité.

Youcef Krache nous met face à un trafic, le regard est serré dans une circulation rectiligne, allant tous dans le même sens. Son ton est direct, c’est un tendre enfer qui sent le vécu, il y a quelques reflets, des points de lumière, l’attente peut être paisible, des songes qui nous sortent du train-train.
Youcef Krache
Youcef Krache

La biennale c’est ça ? On redécouvre, autrement, on pose ses yeux sur le travail d’un artiste pour la première fois, histoires de rencontres. Ces trois rendez-vous étaient importants.