Drum, une aventure éditoriale sud-africaine

En 1951 naissait en Afrique du Sud l’hebdomadaire « African Drum » destiné à un public sud-africain noir. Dans un premier temps, African Drum, sous la direction éditoriale d’un ancien joueur de cricket et journaliste Bob Blanc (ça ne s’invente pas) présente une vision très paternaliste des bantoustans pour en donner une vision positive à l’étranger.

Le n°1, l' Afrique un continent quasi anonyme.
Le n°1, l’ Afrique un continent quasi anonyme.
La couverture du numéro 1 témoigne d’une vision anonyme de l’Afrique noire et du continent noir : totalement orange, à l’image des Afrikaneers dont c’est la couleur de ralliement. Cette couverture ne s’embarrasse pas non plus de géographie sud-africaine, à l’instar d’une Europe qui se serait recouverte d’un seul drapeau national, français ou espagnol, par exemple.

Quant aux noirs Sud-Africains, ils sont vus en silhouettes cernées de blanc sur fond de ville noire, vêtus de peau de bête ou en costume trois pièces, canne à la main légèrement voûtés et chapeautés, aboutissement social d’un projet rêvé.

Mais à qui et à quoi ressemblent exactement, en 1951, ces Sud-Africains noirs, c’est un mystère que la couverture ne révèle pas.

Le succès n’est pas au rendez-vous, la réussite économique encore moins. Très vite, Robert Blanc est remplacé par Jim Bailey, ex pilote de la RAF (Royal Air Force) pendant la Seconde Guerre mondiale et libéral anglo-saxon.

C’est une révolution ! Des Bantoustans, le regard de la rédaction se déplace vers les Townships naissants. Se détournant des prédications ou des contes populaires, les sujets des articles se consacrent désormais à la vie quotidienne des noirs Sud-Africains. Le journal s’installe alors à Johannesburg et se renomme Drum tout simplement.

A cette occasion, le comité éditorial s’ouvre à des Sud-Africains noirs – il fallait y penser ! Le succès est immédiat, à tel point que des lecteurs analphabètes payent ceux qui savaient lire pour connaître le contenu écrit des reportages.

Les journalistes investissent tous les aspects de la vie et s’adressent à leurs lecteurs dans leur langage usuel, langage de la rue parfois argotique. Ainsi Henry Nxumalo n’hésita-t-il  pas à se faire embaucher dans une ferme pour en dénoncer les conditions de travail quasi esclavagistes. Tous furent influencés par ce qui se passait aux USA lors des campagnes pour les droits civiques.

Drum ne se contente pas de textes, il publie aussi des photo-reportages d’investigations. Peter Magubane en fut l’un des représentants emblématiques, parfois au risque de la prison et de la confiscation de son matériel. Les noirs Sud-Africains pouvaient se voir tels qu’ils étaient, ils existaient enfin aux regards des autres.

Fort de ce succès, des éditions verront le jour au Nigéria, au Ghana et dans d’autres pays africains de langue anglaise.

Il a été reproché à Drum de ne pas toujours s’impliquer dans les combats politiques de l’Apartheid, choix de Jim Bailey dont le père avait des intérêts dans l’industrie minières. Mais Drum le fit à l’occasion et notamment lors de l’assassinat de Steve Biko dans les prisons sud-africaines ou lors de la campagne « We Defy » de l’ANC.

Drum a été une caisse de résonance pour ce que vivaient les noirs Sud-Africains sans en cacher les aspects négatifs, mais aussi en mettant en évidence leurs aspirations légitimes. Provoquant, Drum n’hésita pas à montrer des blancs buvant côte à côte avec des noirs dans un « shebeens » (débit de boissons) en 1957.

1957 – Dans un
1957 – Dans un

A ses débuts, les couvertures de Drum n’ont pas la régularité marketing de celles d’aujourd’hui. Seul le logo « Drum » reste fédérateur.

Les photos en noir et blanc dans les années cinquante cèdent la place à la couleur dès le début des années soixante. Les cadrages sont irréguliers. Visuellement le journal hésite entre l’hebdomadaire d’opinion politique, le féminin assumé, l’hebdo d’enquêtes policières ou le consumériste averti, où pointent parfois des sportives à l’américaine ou des enfants au regard grave. Eux aussi ont eu droit à la parole.

Ce kaléidoscope d’images témoigne de la diversité des sujets abordés dans un journal qui se voulait miroir d’une population qu’une volonté politique voulait réduire à la non-existence. Les couvertures témoignaient de cette envie de vivre à tout prix, d’une espièglerie provocante qui ne devait pas échapper à ses lecteurs… et à ses non lecteurs blancs non plus vraisemblablement.

Aujourd’hui, les couvertures sont rentrées dans le rang… des études de marché, c’est un public féminin qui est visé. Les sujets sociétés y sont toujours présents bien sûr.
Drum est une publication parmi beaucoup d’autres dans un groupe de presse. La diversité de son contenu d’hier s’est déclinée dans d’autres publications. En Afrique du Sud comme ailleurs, le « marché » est segmenté.

Toutefois, une chose demeure : « The Beat Goes On »,  comme le dit si bien la base-line du journal.

Drum Cover Pictures | Africa Media Online

1951 – Comme un thriller provocant sur Johannesburg.  Drum vient de s'y installer. (G.) | 1951 – Découvrir le monde, celui qui nous est refusé... (D.)
1951 – Comme un thriller provocant sur Johannesburg. Drum vient de s’y installer. (G.) | 1951 – Découvrir le monde, celui qui nous est refusé… (D.)

1952 – Sous-entendu :
1952 – Sous-entendu :

1955 – Une fiction pour raconter le prix  à payer quand on est encore une enfant... (G.) |1956 – A travers une fiction de Can Themba,
1955 – Une fiction pour raconter le prix à payer quand on est encore une enfant… (G.) |1956 – A travers une fiction de Can Themba,

1962 – La fascination pour
1962 – La fascination pour

1973 – People! Drum s'approche des standards (G.) | 2011 – Le marketing a fait son œuvre...  en couverture ! (D.)
1973 – People! Drum s’approche des standards (G.) | 2011 – Le marketing a fait son œuvre… en couverture ! (D.)