Entre quotidien et rêve

Le 26 juin s’ouvrait la troisième biennale de l’été de la photographie, un été sous le signe de l’Afrique pour cette année. Les Bozar hébergent ainsi trois expositions : un projet de photographie socio-artistique Pôze III, une rétrospective de Roger Ballen et Un rêve utile (de Simon Njami). Avec une thématique commune : montrer le quotidien pour mieux comprendre.

Pôze III

L’exposition Pôze III rassemble des clichés d’amateurs et de professionnels de la photographie ayant pour but d’illustrer l’Afrique à Bruxelles. Réalisé sous l’égide du jeune photographe belge Vincen Beeckman, ce patchwork relaie les visions personnelles des participants quant à l’ancrage africain au sein de la capitale de l’Europe. Entre portraits et morceaux de vie, ces instantanés livrent au final une fresque intéressante.

(à gauche) Puppy between feet, 1999 / (à droite) Cut loose 2005© Roger Ballen
(à gauche) Puppy between feet, 1999 / (à droite) Cut loose 2005© Roger Ballen

Rétrospective Roger Ballen

En 200 photographies, cette rétrospective permet de revenir sur l’essentiel du travail du Sud-Africain Roger Ballen. De ses premiers clichés en 1986 à sa dernière expérience, Boarding House, réalisée en 2009, cette exposition révèle l’évolution rurale du pays de Mandela durant une période de 20 ans.
Roger Ballen voyage entre photoreportage et composition picturale, laissant les objets et animaux s’exprimer dans des cadres tantôt vides tantôt créés de toutes pièces. Plus qu’un simple état des lieux de la ruralité sud-africaine, le photographe d’origine américaine prend du plaisir à déranger les témoins de son travail. À l’ouverture de la biennale, il expliquait que « mes photos sont un journal de mon esprit. Il y a une seule manière de les regarder, c’est de les utiliser comme un miroir et de s’y retrouver. »

Un rêve utile (curateur : Simon Njami) : Photographie africaine 1960-2010

Il s’agit de 50 ans de photographies de l’Afrique par les Africains, comme pour se détacher du regard colonialiste des Occidentaux qui, jusque très tard, ont eu le monopole de la vision sur le continent. Simon Njami entame l’exposition par cette réflexion : « Comment un rêve peut-il devenir utile ? Comment quelque chose d’aussi immatériel et d’aussi éthéré peut-il être ramené à la dimension très terre à terre de l’utilité ? » De cet oxymore émerge la fonction motrice du rêve, à l’origine des grandes ambitions.

(à gauche) Cindy and Nkuli / (à droite) Tebogo, 2006 © Veloko Lolo
(à gauche) Cindy and Nkuli / (à droite) Tebogo, 2006 © Veloko Lolo

Si les hommes politiques africains ont pu montrer leurs limites (voir notre interview de Simon Njami), la création artistique doit, quant à elle, permettre cette réappropriation mais aussi une quête de sens de l’histoire et de son évolution. L’exhibition nous transporte ainsi à travers 5 étapes importantes de ce processus : Un rêve utile, Illusions perdues, À la croisée des chemins, No name on the streets et enfin Un autre pays.

Illustrations du quotidien, des moments de l’Histoire ou des traces de celle-ci, en noir et blanc et en couleurs, Un rêve utile se veut être le reflet de l’auteur des clichés mais aussi la réflexion de ceux qui les regardent. Le photographe britannique d’origine nigériane, Akinbode Akinbiyi, nous révèle l’atmosphère des nuits de Lagos tout comme le Camerounais Patrick Wokmeni le fait pour le quartier populaire de New Bell à Douala (sa ville natale) avec son travail « Les Belles de New Bell ». Ici c’est l’Afrique que l’on connaît moins voire que l’on ignore.

L’Afrique mieux connue en Europe c’est malheureusement aussi Idi Amin Dada ou les cicatrices encore non refermées du génocide Rwanda qu’ont respectivement illustrés le Kenyan Mohamed Mo Amin et la Française d’origine égyptienne Myriam Abdelaziz.

Une véritable vue d’ensemble de la photographie africaine actuelle.

Sad Eyed Model © Ricardo Rangel
Sad Eyed Model © Ricardo Rangel