Pas de flash s’il vous plait !

Lauréat de Visa pour la création de l’Institut Français Paris, le photographe béninois Ishola Akpo présente à Cotonou un solo show qui analyse les rapports du corps et de la lumière.

C’est la première fois que l’Institut français de Cotonou expose une installation photographique et le résultat est plutôt réussi. Le jeune photographe Ishola Akpo, 31 ans ans, propose ici la restitution des trois mois de résidence effectués à la Cité international des Arts de Paris à l’automne 2013. L’exposition a été encadrée par le commissaire Giscard Bouchotte et scénographiée par l’architecte Franck Houndegla.

Avec “Pas de flash s’il vous plait”, Ishola Akpo se sert de son corps comme d’un matériau d’expérimentation et joue avec la lumière dans une série de 12 autoportraits. “Quand on va dans les musées ou les galeries d’art, on vous demande de ne pas prendre de photos. J’ai voulu retourner cette idée sur mon corps”, explique-t-il. Comment la lumière intéragit avec le corps de l’homme et sur la matière même de l’image, c’est ce qu’Ishola a exploré à Paris, lors de ses nuits de travail-insomnie dans une Cité endormie. Seul, dans les couloirs de l’institution, il s’est mis en scène, lampe frontale sur le crane ou torche en main, appuyant lui-même sur le déclencheur. Un face à face solitaire, un jeu de miroirs intéressant. Un théâtre d’ombres. “Jean Baudrillard disait des photographes qu’ils étaient des ‘écrivains de lumière’. Le travail du photographe ne consiste pas seulement à raconteur visuellement une histoire. Il s’agit avant tout d’inscrire sa démarche le plus sincèrement possible dans un univers et de pouvoir révéler ses sujets grâce à la lumière”, explique Giscard Bouchotte.

Dans la série photographique d’Ishola Akpo, la lumière est d’abord tellement crue qu’elle lui mange une partie du visage, effaçant ses traits et sa couleur de peau, grignotant son identité. Sur une autre, le flash lui fait comme une afro lumineuse couronnant sa tête, la dévorant. Jusqu’à une sorte de dissolution dans l’ombre, représentée par l’image qui a été choisie pour l’affiche. Malheureusement, la salle de l’Institut n’est pas assez sombre et le dispositif (projection au mur) ne rend pas justice au travail délicat effectué sur les images, où l’on devine une superposition de matières et même de la poussière d’étoiles… “Je suis dans une démarche de recherche photographique, de photographie plasticienne, je façonne mes images. Pas question de prendre les images telles que me les donne mon appareil. C’est un travail conceptuel.”

Dans ces auto-portraits, Ishola est simplement vêtu d’une veste rouge et d’un casque d’ouvrier. C’est la lumière qui révèle ou cache sa nudité sous la veste. Et ces accessoires servent de fil rouge au travail et à l’exposition. On les voit apparaître dans les photos d’une fresque murale qui est comme un making off de ses recherches et qui permet de juger du travail accompli – et abouti. “La plupart des photographes ne montrent pas cette partie du travail. Il y a des tests, des tâtonnements, des photos ratées en quelque sorte.”

Et on les retrouve aussi dans les 4 vidéos qui passent en bouclent sur 4 écrans. Trois courts films ont été tournés à Cotonou et un à Paris, qui s’intitule également “Pas de flash s’il vous plait”, et dans lequel l’artiste explore l’effet de la lumière de la lampe sur son visage et sur son corps. Bribes de peau, plans fantomatiques. La lumière comme un masque. Ou caressante. Comme si l’artiste redécouvrait son corps grâce à elle. “Je me cache dans le noir et la lumière me cherche. A un moment donné, j’accepte la lumière et je joue avec elle.” Jeu de cache-cache, aussi, dans la dernière vidéo, ou l’artiste est recouvert de sa veste rouge et évite le moindre rai de lumière. “Le rouge, c’est le sens interdit, je ne veux pas que la lumière me transperce Je ne veux pas qu’on me flashe !” Comme le résume Giscard Bouchotte dans son texte introductif : “Derrière cette injonction anodine (Pas de flash s’il vous plait !), il y a une réflexion sur le corps, matière, sujet à décomposition et sur la lumière comme moyen d’expérimentation. (…) Le photographe nous contraint à plonger avec lui, sans savoir ce qui remontera à la surface. Nous fixons des vertiges.”

Jusqu’au 22 mars à l‘Institut Français de Cotonou.

© Ishola Akpo
© Ishola Akpo

© Ishola Akpo
© Ishola Akpo