Visa pour images d’ici et d’ailleurs

Gare de Perpignan. « Centre du monde », comme le souligne Salvador Dali sur une inscription. 30 août. Fin des vacances pour certains, début pour d’autres. Les voyageurs vont et viennent. Départ Barcelone, Provenance Lyon ou Paris, Arrivée Perpignan. Le Festival Visa pour l’Image, fête son vingt-deuxième anniversaire en grandes pompes. Les photographes arrivent des quatre coins du monde. Etats-Unis, Russie, Japon, Suède, Espagne, Allemagne, Burkina-Faso, Inde, Thaïlande. « Sorry, I don’t speak french », alors tout le monde échange en anglais. La ville, aux couleurs du festival, rouge, blanc et noir, accueille ces hommes et femmes venus d’ailleurs.
Quelques jours avant l’ouverture de Visa pour l’Image, Jean-François Leroy, directeur du festival, s’élevait contre l’utilisation abusive de photoshop. « La colorimétrie, la retouche, changent la photo : à force de modifier des courbes de contrastes, de couleurs, les photos ne ressemblent plus à rien. Et là, se pose la question ! (…) Comment poser les limites ? » souligne-t-il dans le journal Photo. Ceci explique peut-être la présence du Ministre de la Culture et de la communication Frédéric Mitterrand, qui officialise l’ouverture du festival et fait l’état des lieux de la profession.

Série
Série

D’entrée, la scénographie interpelle. On est subjugué par la beauté et l’immensité des lieux. Puis le regard est attiré par les images. Des images, encore des images. « Je n’en peux plus !!! » chuchote une dame à son mari. On pénètre les lieux, impressionné, les yeux avides de découvrir l’ailleurs, on le reçoit en pleine figure. Des sujets « choc », qui nous laissent sans voix. Comme le reportage du Thaïlandais Athit Perewongmetha, sur le conflit entre les chemises rouges et l’armée thaïlandaise. Avec lui on est au cœur du conflit. On suit les combattants, des deux camps. Les émotions se lisent sur les visages. Il n’y a pas de répits. Une action succède à une autre. Il immortalise les morts et les survivants.

Des sujets aboutis, qui interrogent et poussent à la réflexion. Comme ce travail de Craig F. Walker, photographe américain, qui décide de suivre Ian Fisher de la fin de ses études, son engagement pour l’Irak, à son retour aux Etats-Unis et son mariage. Le photographe pose la question de l’engagement. Engagement pour son pays, engagement pour une femme. Il montre aussi la jeunesse des recrues américaines. A travers les images (accompagnées de légendes) on suit pas à pas le jeune homme ; on rentre dans son intimité. On se pose des questions, on se demande comment tout cela va finir.

Que dire du sujet que traite l’Américaine Andrea Star Reese ? Une immersion dans les sous-sols ou les caves de New York, à la rencontre de sans domiciles, qui vivent en marge de la société. Lors de sa rencontre avec le public, elle rappelle qu’elle a passé plus d’un an à suivre les personnes dont elle a choisi de montrer le quotidien. Ses images sont pudiques et poétiques. Il n’est point question de voyeurisme.

Visa pour l’Image rime avec force. Force des images d’ailleurs, qui racontent des histoires d’humains : la santé, la guerre, les religions, l’environnement, le sport, la politique, la révolution, l’amour… Témoins de l’histoire, les photo-reporters nous mettent face à nos responsabilités. Leurs images nous renvoient à notre condition.

Les sujets varient d’un endroit à un autre. Il est aussi intéressant de voir comment un même sujet peut-être traité de différentes façons : le tremblement de terre en Haïti, les conflits en Irak ou en Afghanistan. Actualité oblige. Mais il arrive parfois de voir des images attendrissantes : Hubert Fanthomme pour son sujet intitulé « Eloi, l’enfant bulle », raconte l’histoire d’un enfant atteint d’une maladie génétique rare, de son séjour dans la bulle (à l’hôpital) à son retour chez ses parents. Des photographies simples, d’une rare intensité.

Invité d’honneur, le photographe William Klein, dont les images sont exposées pour la première fois au festival, raconte New York, Moscou, Tokyo et Rome, en Noir et Blanc. Des images en mouvement, prises sur le vif, qui définissent ce que signifie « photojournalisme ». Il dédicace ses ouvrages.
Toujours présente, l’agence World Press Photo propose un tour du monde en images des événements qui se sont déroulés cette année.
Au fil des jours, le festival est rythmé par des conférences, des dédicaces, des discussions entre le public et les photographes exposants.
L’attraction principale du festival a lieu chaque soir à partir de 21 heures. Campo Formio. Remises de prix en préambule d’une projection d’images d’actualité, de webdocumentaires.

© Samuel Nja Kwa
© Samuel Nja Kwa

A travers cette pléthore d’images, on ne peut pas dire que le photojournalisme soit amené à disparaître comme pourrait le prétendre certains. Le photographe sera probablement amené à repenser son métier, c’est-à-dire se réinventer. Il devra composer avec les nouvelles technologies, trouver une autre façon de financer ses reportages, une autre manière de les présenter. A l’heure où on parle de webdocumentaire, pourquoi ne pas parler de e-reportage diffusé sur des e-book. Il est certains que d’autres supports apparaîtront, qui influenceront la façon dont seront diffusés les sujets.
Seul bémol, la non-présence de travaux produits par des photographes africains ou d’agences de presse africaines. Il est incompréhensible que ceux-ci (les photographes) s’excluent volontairement des grands événements. A suivre…

Visa pour l’Image est ouvert au public jusqu’au 12 septembre 2010.

  • Les Lieux d’expositions :
  • Couvent des Minimes : rue François Rabelais
  • Eglise des Dominicains : rue François Rabelais
  • Couvent Sainte Claire : Rue Général Derroja
  • Castillet : Place Verdun
  • Palais des Corts : Place des Orfèvres
  • Caserne Gallieni : Rue de l’Académie
  • Chapelle du Tiers-Ordre : Place de la Révolution française
  • Arsenal des Carmes : Rue Jean Vieilledent

Plus d’infos sur : www.visapourlimage.com