Portraits de Kayes de Sadio Diakité

A l’occasion de la 10ème édition des Rencontres de Bamako/ Biennale africaine de la photographie et de la 12ème édition du Festival Dense Bamako Danse – lovée dans la galerie du Fali Fatô (littéralement en bambara l’âne fou) – restaurant de la structure Donko Seko dirigée par la chorégraphe Kettly Noël – la proposition artistique du galeriste commissaire d’expositions Chab Touré, se détache sur des murs rouge, faisant ressortir tout l’éclat de ces dix « portraits de Kayes » 30×30 en noir et blanc, signés Sadio Diakité.

Dans les années 70, à Kayes, à 495 km au Nord Ouest de Bamako, les enfants de l’indépendance vêtus à la mode américaine ou en pagnes traditionnels, en solo, en duo, en amoureux, entre sœurs, entre amis, accourraient dans le minuscule studio du maître photographe Sadio Diakité pour immortaliser toute l’arrogance de leur jeunesse.

Têtes hautes, ils affrontent fièrement l’objectif le narguant presque, insolents de leur beauté en éclosion. Ils regardent de haut l’objectif de Sadio, qui lui du fait de sa petite taille, abuse de la contre plongée faisant de tous ces personnages des monstres d’orgueil aux silhouettes étirées.

Bijoux clinquants, chaussures cirées, montres en évidence, lunettes de soleil, rien n’est de trop dans leur panoplie savamment étudiée au détail près.

« Observées de près les images de Sadio Diakité apparaissent comme une peinture de ces concitoyens sous leurs plus beaux atouts. Elles présentent aux yeux des personnes photographiées et du reste de la société les traits de la beauté, de l’élégance et surtout de la posture de la vanité. » commente Chab Touré, à l’initiative de cette proposition artistique en off des Rencontres de Bamako.

© Sadio Diakité
© Sadio Diakité

Loin des fonds graphiques en noir et blanc, ou des fonds délicieusement kitsch de savanes, de palmiers, de paysages de cases bordées par des fleuves, utilisées généralement par les icônes historiques de la photographie malienne, Sadio Diakité fait poser sobrement ces sujets sur un fond uni composé d’une accumulation de pans de rideaux, dans un cadrage large, qui lui est propre, laissant déborder les murs qui empiètent sur l’espace confiné, et dévoilant les coulisses de ce studio bricolé : une fenêtre obstruée pour faire une vraie chambre noire, le système de poulie permettant le changement de rideaux …

 » Le studio était arrangé dans un coin de la maison. Un tout petit coin qui est comme une caisse américaine dans laquelle Sadio fait tenir miraculeusement ses sujets. La lumière est croisée et parfois rasante. Il a très peu d’espace de recul. Avec des personnes de grandes tailles, Sadio se perche pour chercher le bon angle. Ce studio et sa taille, la nécessité d’inventer et la sobriété de Sadio Diakité ont créée une esthétique du studio qui transparait dans les clichés de ce mécanicien de train devenu un photographe passionné et curieux. » nous explique le commissaire Chab Touré.

D’un cliché à l’autre, subtilement, Sadio se contente de changer les tapis au sol : tapis à motifs, tapis girafes… C’est la seule touche discrète d’excentricité que Sadio ose se permettre.

Chab Touré, actuellement Directeur de la galerie Chab à Bamako, après avoir dirigé la Galerie Carpe Diem à Segou pendant des années, nous offre une vision élargie de la photographie malienne, loin des studios historiques bamakois. Déjà en 2001, lors de la 4ème édition des Rencontres de Bamako, il avait mis en lumière quelques clichés de Sadio Diakité. A l’occasion de la 10ème édition de la Biennale africaine de la photographie, il ressort de l’ombre le travail remarquable mais malheureusement toujours inconnu de ce photographe originaire de Kayes, qui n’a rien à envier à ces contemporains de Bamako …

 » La réussite du portrait de studio nécessite une originale composition de plusieurs choses : la réalité du sujet, les symboles de son environnement, la posture de son corps et les accessoires de sa vanité. En noir et blanc, l’intensité du portrait impose la photographie non plus comme une simple représentation du sujet mais bien comme sa « belle représentation », cette chose qu’Emmanuel Kant appelait l’art. «  conclue Chab Touré, ancien professeur de philosophie et d’esthétique.